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[bientôt ici mise en ligne des archives de la résidence 2010]

 

La  seconde résidence Ce qui secret s'est déroulé du 10 au 18 décembre 2010, à la Fabrique Dervallières, à Nantes.

Une soirée publique de fin de résidence a eu lieu à la maison de quartier des Dervallières le 18 décembre 2010

Ont particpé à cette résidence : Guillaume du Boisbaudry, Elsa Decaudin, eLV://osund, eDS collectif, Geneviève Foccroulle, Pauline Gélédan, Sandrine Julien, Frédéric Laé, Soizic Lebrat, Catherine Lenoble, Patrice Luchet, Mariette Navarro, Marc Perrin, Gwenaëlle Rébillard, Patrick Rimond, Matthieu Saladin, Jean-Marc Savic, Gaël Sesboüé, Patrice Soletti, Vincent Tholomé.

Sont ici données à entendre, à lire ou à voir, certaines traces de ce qui s'est passé pendant cette semaine.

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Matricule 41.446 / Le rire de Jean-Marie - eLV://osund
 [un écho ici]

 

MATRICULE 41.446

Écrit à partir de l'interview de Jean-Marie Calloch (émission radiophonique Chroniques sauvages, 1987).

 

 

Ventre creux.

Être un peu idiot suffit. Certains tuent. Comment savoir tuer ? Je trouve ma femme avec un autre. Je ne suis pourtant pas un assassin. Mais comment résister à cela ? Une boussole qui n'indique même plus le nord ! Et ce pansement dans la tête qui me démange tant. Être honnête avec ce mal au ventre. Trop de déséquilibre pour un homme comme un autre. La vengeance au-dedans et la liberté au-dehors. Un mal pour un bien. La misère qui donne tout ce qu'elle a. Cela change tout. Je ne suis pas un animal. Je suis un être humain conscient.

 

 

Pieds de biches.

Quelle foule il y a. Qui hurle : à mort, à mort ! Mais c'est bien ce que nous faisons tous. Nous y allons. Une petite passerelle, une chute, et chacun détourne le regard. 600 en cage, et plus à part. Et des gardiens qui tirent et vaporisent à chaud. Appuyer sur le bouton, simplement, sans révolte.

 

 

Le Plan.

Je salue la beauté de ce joli bouquet vert. J'accoste, j'hésite. Département Royal St Joseph. Une petite partie au Diable. J'avance dans ce long couloir, au milieu du passage. A comme anarchiste. B comme dangereux. Je me suis battu au poignard contre ces fouilles à nu. Du fer blanc jusque dans l'anus. Pas de papier hygiénique, pas d'enquête, pas de justice, pas de juge d'instruction. Juste des requins. Mais des complices aussi, pour aider.

 

 

30 jours de plus.

80 par 200. Une planche. Des milliers de trous, autant de cafards pour de jolis ongles de pieds. Une cigarette, un mégot à faire transporter de cellule en cellule. Je veille bien à ne pas lui casser la patte. Je frappe au mur. Bien reçu, pas un mot.

 

 

Dix fois au moins.

Une cuiller en bois. Il peut toujours boulonner ! Séance de gymnastique jusqu'au matin. Je ne veux pas être mangé par les requins.

 

 

En pagaille.

Un lutteur, tout jeune, beau garçon, abruti dans les prisons de France, qui veut aller aux fous. Un paquet de tabac, et va aux fous. Disparu en 24 heures. Là-bas, chaînes pour bras, chaînes pour pieds. Et la lèpre au Maroni. Pas de gardiens.

 

 

Triste.

Couché, j'entends une mouche. Nous sommes ici pour mourir. Jetés ici, nous ne sommes plus rien. Cet air langoureux, je l'ai entendu une vingtaine de fois. Des coups de matraques qui arrivent, comme dans la chanson. Je ne vais pas plus loin. Les derniers arrivés ne la connaissent pas. Les anciens la savent. La copier ? Là-bas, je n'y pense pas.

 

 

Applaudissements.

5 heures, c'est l'heure dans cette petite baie. C'est mon tour tous les deux jours. Un cercueil pourri, du sang caillé. Je donne la main, l'autre pousse. Des ailerons de requins. 30, 40. Ce sont les pires, des voraces. Pas le temps de descendre à l'eau. Aussitôt coupé en deux. Une jambe entière ou la moitié du corps. Jupiter, c'est le plus vaillant, le plus vif. Je retire l'embarcation. Les larmes ne me viennent pas. Je suis trop dur. Mais la conscience est là, mon ami.

 

 

D'hommes à homme.

Mon copain est un bourreau, un Hercule acrobate des travaux publics. Bourreau, c'est maudit. Personne ne veut l'être. Personne ne veut lui parler. Il désarme un gardien, et à la chataîgne maintenant. Nous les entourons. Plusieurs l'empoignent. Salauds ! Il demande à être bourreau. Et dernière faveur, qu'on le laisse appuyer sur le bouton, c'est son droit.

 

 

Vers minuit.

Je traverse. 3 h de l'après-midi. J'entends les bûcherons. Pour une bouteille de rhum, mort ou vif. Tous chasseurs d'hommes. De la vase jusque-là, et les mouches. Pas moyen de se laver. Je monte dans un arbre pour voir si l'on aperçoit le village. La nuit commence à tomber. Rien. Je reste dans l'arbre. Je redescends, il est l'heure.

 

 

Terre ferme.

Le canot recule. Un espadon terrible, au moins trois mètres de long. Traverse la coque. La nuit se lève, et la mer aussi. Une tempête à tout casser. Il fait noir. Je me dirige avec la pointe du mât sur l'Ours. Le Grand charriot, c'est ma direction. Une boîte de cirage, personne ne s'en occupe. Je peux m'endormir et tomber à la mer. Parle-moi de ta famille. Je n'en ai pas. Alors parle-moi de tes putains ! Je le fixe, il se laisse couler. Deux ou trois nuits ainsi. Les vagues s'envolent. Une seule espérance : ces cocotiers nids de vampires. Je suis mordu, le sang sucé, mais ne sens rien. Une dizaine voltige autour de ma tête.

 

 

Français.

Je ne peux parler. Quel nom donner ? Matricule 41.446. J'ai de la haine. Venez ici, mangez chez nous. Nous n'avons pas peur de mourir assassinés. Prenez un pantalon, une chemise. Tous sont d'accord. Vous, vous voyez un homme comme ça, épuisé, qui a fait naufrage, qui ne peut plus se traîner, vous tous en France, vous cherchez la police. Vous voulez tous être policiers. Comme ça, tout le pays sera policier. Il n'y aura plus que des policiers.

 

 

 

 

LE RIRE DE JEAN-MARIE

 

 

 

 

 

 

eLV://osund - Quimper - 4 Août 2010
Le Chant du papillon - eLV://osund
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