Cette précipitation qu’ils avaient à vouloir te figer, cette terrifiante manie, combien elle te faisait souffrir ? La mer, encore, la sœur secrète, la parole buissonnière, te donnait la mesure, les variations, de quoi mettre les voiles. Chaque lumière un voyage imperceptible, par les yeux la mer en toi, par les yeux pendant des heures, les nuances. Tu n’étais pas le peintre, tu étais peint, tu étais la mer, tu savais la mer, les jours de pluie, les jours de soleil, les jours d’orage, les jours de vent, sans compter les jeux d’ombres des nuages, par les yeux chaque variation s’imprégnait, c’était ainsi et pas autrement, tu étais à la fois le passant et le passage, l’étonnement naissait d’une teinte changeante, d’un rythme inattendu, la mer se livrait perlée de mille soleils, la mer griffée par le vent, désert de sable bleu, la mer habillée d’un velours trop pesant respirait lentement à l’étroit dans sa robe, la mer volcan de dentelle, la mer et son corps indéfini réclamait des paroles que tu ne savais pas connaître, comme si tout commençait… Et ceux là, avec un adjectif, ils te définissaient, ils te cousaient la bouche avec un adjectif minable, ils te clouaient pour l’éternité, ainsi ils dormaient tranquilles, tu étais identifié, leur limite devenait la tienne mais par là même tu étais déjà ailleurs, dans un autre corps, tu continuais le voyage, ainsi tu leur laissais une de tes peaux, un sac vide où mettre leurs mots endormis, leurs adjectifs usés, leurs paroles de mort, et tu marchais vers l’autre avec ta page blanche, vers celui avec qui la limite est aboli, celui qui parle sans compter, et dans un mouvement spontané, la vie faisait sens. L’accouplement de deux paroles est un miracle d’invention sans nom, l’écho qui en résulte n’appartient à personne. Où commence et où finit la mer ? Dans l’herbe verte deux pieds nus Ça n’est pas rien les deux pieds de cette inconnue.