Caravaca Fabrice

Alors j'ai dit oui - Fabrice Caravaca
 [un écho ici, et ici]

Alors j’ai dit oui. Il faut soulever le couvercle. Suivre la ligne de chemin de fer. Et faire la longue prière aux hommes. Le kaddish. Toutes les mamans mortes. Tous les oiseaux. Oui aux vagues. Aux états d’âmes. Au cœur magnifique de l’homme. Et le tigre n’est pas mort. Et je suis un animal aux dents longues. Je connais la route. Je vous aime. Je reviens mon ange. Je vais chanter et marcher sur la terre. Goutter l’ocre et le vermillon. Cela ne s’arrêtera pas. Les sacrifices. Le beau sang de l’amour et de la saine violence. Les lèvres du papillon. La colère du singe et des arbres. Mon fils touche mes doigts. A la lune. Oui. Oui. Oui. Oui. Oui. Oui au ciel. A l’indigo du ciel. Au paradis. A dieu qui nous tend les bras. Aux larmes infinies. Aux visages fatigués. A l’épuisement. Que mon sexe vibre. Que mon doigt se dresse. Que je fasse le poids. Que je m’enfuie. Que je plonge. Oui à l’étang. A Ophélie. Au diable qui me ronge. Les bêtes encore. Les touches de piano. La folie. Cela ne fait que commencer. Mon amour. Je chante. Je vais. Avec les mains.

A mes amis perdus. A la joie retrouvée. Aux étreintes folles. Je suis de cette saine et folle folie de la lune. Je suis du chat et de la constellation d’Orion. Je ne pardonne à personne. Parce que j’aime. Jamais il ne faut que l’on s’y retrouve ou que l’on se retourne. Toujours une pensée maladroite d’avance. Rester graver [gravée ?] dans le cœur du cœur. S’avancer comme un ange en furie. Être du fond des grottes et du fond du puits. Des prières contre le corps. Continuer de s’embrasser et recommencer sans cesse. Manger sans retenue les rues de toutes les villes et les nuages au-dessus. Ô les incendies et les asiles nocturnes. Les déments sans dents qui traînent dans les rêves et pénètrent dans vos appartements. Célébrons les feux de la Saint-Jean et les équinoxes. Les longues nuits d’été pleines d’orages et de sentiments propres aux mensonges. La chaleur hermétique des radiateurs et l’ivresse de la vapeur. Rien ne nous sera pardonné. Ô seigneur je suis debout les bras levés au ciel. Les souvenirs remontent et je remonte la pente. Je nage. Je suis la pluie en ce moment et demain l’hiver. Il y a en-dessous des bruits qui ne ressemblent qu’à nous.

Sur la tête des enfants de l’huile. Des baptêmes pleins de superstitions et d’envies. Nous ne sommes pas là pour en revenir. Toujours pour répartir [repartir ?] avec les dix doigts qui nous restent. Manger des cornets de ciel. Boire après l’hallali et courir comme le lévrier et le cochon des bois.  De l’ivresse de la bouche cracher les yeux. Je suis de ce pays-là. Des sables mouvants et des passerelles. Du chant de la grive et [de ?] ses trilles de lait. On s’assoit pour avoir la figure du grand. Les ceps nous terrassent. Nous nous envolons de conserve. Les grappes et moi. Un espace plus grand encore que le fragment de tes lèvres. Les murmures répétés de ta respiration endormie. Je t’aime. Des bras gros comme l’enfer. Des dents qui pensent. L’haleine prochaine est notre avenir.

La route est une sente qui danse. Les pas légers respirent le thym et l’ail. C’est l’heure des morts d’autrefois et des amours herbeuses. Des chants. Des bêtes sauvages qui respirent dans la pièce à côté. Nous n’avons rien fait, rien vu. Nous sommes dans les draps de nos mers intérieures. Nous avons soif. Nous sommes le sel et la soif du sel. C’est l’épanchement du sol sur la terre. Et la terre qui remonte en nous. Du sable dans les bouches. Et les bouches font le verre et vomissent de l’argile. L’époque n’est pas aux froncements de sourcils. Elle n’est pas. Elle ne veut rien. Et aussi ne veut rien dire. C’est une époque de corps. Ce n’est pas celle de la transpiration. Elle est molle. Les poissons font des bulles et ont de belles écailles contre la raison. C’est l’air que nous respirons qui nous empêche de devenir de vrais fous. Je t’aime.

Nous n’en reviendrons pas. Les fleuves et les roses qui coulent. La morve et les doux pleurs. J’aimerais que quelque chose soit vraiment dévorée. Que le cœur dans son rythme boum boum soit mes gencives qui saignent. Des papiers qui encerclent les bouts de pain parlent les langues des bouts de pain. Mon sexe sort du pantalon. Dans l’eau et la prière les bouts de sexe et les bouts de bras. Fragments de mains. Fragments de dents et de pieds. Fragments d’odeurs. De sexe. Alors j’ai entendu oui. Et j’ai dit oui. Oui. Oui encore une fois. Oui.

Sur les doigts une brûlure. Des piqûres d’insectes. Des vestiges. Nous ne sommes que des étoiles qui volent. Des reins, un foie, des poumons nous possèdent. La maladie, la nostalgie, la victoire. Il ne faudra plus parler pour demain. Je t’aime. La lande est là devant nous à perte de vue. Causse jaune et bleu. Route qui n’est que le milieu de la route. Fin qui n’est que le milieu de la fin. Cœur qui n’est que le cœur du cœur. Bonheur sans partage.

Oui à la naissance du feu dans l’éclat de silex. A la naissance de l’homme dans l’éclat de rire et le jaillissement de la voix. Oui aux grands arbres. A la force du chêne et à la nourriture. Que les corps soient massifs et forts et tendus vers l’avenir, vers la construction d’autres corps au milieu de la terre. Oui à la révolution incessante de la planète. Et à la lune qui tourne autour. Oui aux orbes et aussi aux rondeurs de la femme. Oui à tous les arrondis. Et oui aux femmes pliées en deux par la douleur des règles. Oui, que ma joie revienne dans le chant. Dans le rituel de la langue et de la bouche. Dans la main qui touche l’autre main. Aux camarades. Et à la nuit qui nous garde comme un troupeau d’affamés. Oui aux jours qui passent et à la fortune qui est la nôtre de pouvoir les compter passer. Oui à tous nos morts. Qu’ils demeurent en paix à l’intérieur de nos têtes. Oui à la goutte d’eau et à la sueur. Oui à l’eau qui coule comme ruisseau. Et oui à la peau. Aux appels de la peau. Ma main te célèbre. Mon regard te célèbre. Mon sexe te célèbre. Je tourne autour de la célébration de ton corps. Avec la bouche et les dents. Avec la langue et les lèvres. Oui.

Oui aux mots qui dévalent nos corps. Aux vieilles histoires qu’on a oubliées. Ils sont tous fous à la fin.

(à suivre)

Fabrice Caravaca - Limoges - 24 Juin 2009
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