Pour la réponse. Rapide. Pour la belle. Rapide. Pour le doute. Et la lenteur. Pour le sentiment. Qui prend. Pour le danger. De la pensée. Pour la peine. Affirmée. Pour la peine. Combattue. Par la question. Pour le corps. Qui ouvre. La question. Pour la réponse.
C’est très gentil le regard que tu poses là sur mon corps qui s’avance vers toi. Elle est belle ton attention non ne crois pas ça ne crois pas à la pureté mon enfant inutile que je te le dise il te faudra l’apprendre le vivre encore une fois afin que tu puisses enfin commencer à oublier ce que je viens de dire mais pourquoi donc m'a-t-il fallu te parler.
À celles et à ceux qui apparaissent.
À toi dont le regard saura déployer l’attention et poursuivre par l’attention même le geste, la phrase, le trait, la vibration, jusqu’à te modifier le regard, sa couleur, son axe, son point de présence.
Modifie ma suite écrite sans l’avoir vécue. Modifie la suite : à chaque modification, du vivant s’écrit.
Quelle commune mesure se crée dans le tissage de nos attentions. Est-ce que nous répondrons seuls jusqu’à la fin.
Je ne crois pas à l'écriture une. Je crois à l’écoute. Je crois à l’espace inconnu entre nos corps. Je crois à l’écriture enfin se risquant à devenir autre. Une croyance n’est pas une action.
Il demande un geste. Répondre demande un corps. Je ne te cache pas que / continuons le chemin, dans l'oubli du commencement, enfin…
Action dans la réflexion. Réalisation par la précision. Par la prolifération.
N’hésite pas. Viens. N’hésite pas. Entre. Est-ce que tu as les clés. Est-ce que tu as le visage que j’attendais. Efface l’image de l’attente. Et viens.
Le cœur. Le temps. Par la forme d’un corps inédit qui bouleverse en toi l’idée même du corps. Viennent répondre. Mais. Dis-moi. Quelle est cette voix fatiguée.
Le temps me pèse. Le cœur s’affole. Et je veux un corps neuf afin de rendre au poids de ce temps la légèreté que mon oubli lui avait retiré. Et ce qui se donne, d’un corps à un corps, a pour nom ce qui ouvrant la phrase maintient et poursuit d’elle son mouvement par le geste qui.
… nous nous les donnons et les maintenons vivants et les portons, ensemble… et seuls, chacun notre tour, selon les forces du jour…
Pour ta réponse. Et dans l'attente. Je lis. J’entends. D’autres mots. J’attends. Je lie. Autrement. J’attends. Ta réponse. Je n’attends plus. Et je reçois la masse et le poids et l’enthousiasme. Dans un même temps.
Quelles sont les pièces de cette maison que je vois attachées au bout d’une ficelle à ton pied gauche. C’est la première question que tu me poses lorsque tu me vois.
Dans l'attente de te lire. Dans l’attente de. Te connaître. Dans l’attente du. Salut. Dans l’attente d’un. Futur. Il s’accoude à la rambarde en métal et de l’autre côté de l’eau voit le nouveau commissariat et ses fentes dans les murs, comme des yeux de menace. Il comprend que l’attente est un mouvement d’accueil et d’attention, doublé d’un geste qui donne. Comprendre ne suffit pas. Un homme lui demande une cigarette. Un homme avec une convocation dans la poche. Un homme marche vers le commissariat.
Heureux de te lire. Heureux du lien qui se tisse et de la réponse. En écho. Avec. La clarté qui se fait. Avec. Nos vies et les rapports. Entre. Avec. Les parties enfouies, les parties révélées. Les autres partis, et qui reviennent. Avec. Le retour en avant. Nos paroles. Nos gestes. Nos vies bouleversées.
Et. L’absence de précisions à donner quant à ce qui vient. Demande-moi. Si tu as des doutes. Et par ta demande : réponds. Offre l’idée qui t’échappe.
Quelle est notre adresse commune. Quelle est cette solitude d’adresses. Réponds. Je. Cherche. L’adresse du présent. Et. Ne lui correspond aucun lieu fixe autre que celui de mon corps. Nulle adresse fixe à mon corps pour la question vive.
Je reçois. Ta réponse. Comme une injonction. Je reçois. Ta réponse. Comme un présent. Heureux. Je compte. Combien. Nous sommes. Non-sens. Je compte. Sur toi. Danger. Je t’invite. À venir. Je modifie. C’est à moi. De venir. Je pense. À défaire. Les chaînes. Du travail. Je pense. À la beauté. D’un amour. Libre. Je pense. Et je demande. Écris-moi. Dans la beauté. D’un amour. Libre. Je pense. Écris. Toi. Dans la beauté. Libre.
Ce que je connais de toi et que j’aime. La beauté de toi que je veux revoir. Tout autre. J’arrête. Toute demande. Je réponds. Alors, quel oui ?
Rédaction des sept livres pendant les sept premières heures du jour.
Le livre un commence par une série de questions. Comment enregistrer la matière. Comment enregistrer le temps de la matière. Comment enregistrer le temps de la vie de la matière. Comment dire un espace. Comment dire l’espace de départ. Comment dire l’espace d’origine. Comment former une voie par laquelle une séparation entre départ et origine libère chaque corps qui à chaque instant ouvre un horizon.
Le livre deux s’attache à développer un certain désaccord avec la grande métaphore. Notes du rédacteur : je ne suis pas d’accord avec la grande métaphore. Bien conscient que tout désaccord ne suffira jamais : pour : signifier. Ne suffira jamais : tant qu’une affirmation ne viendra pas à la suite : du désaccord. Je peux le dire autrement. Je veux le dire autrement. Je veux dire que je crois à un certain langage qui nous serait commun [un temps soit peu], et par lequel nous accéderions [seuls, ensemble] à ce que recouvre ce verbe qui marque une limite que j’aspire à franchir : le verbe accepter. Accepter, pour commencer, que ce langage est à tous, et à personne.
Je crois en un langage - commun - que je saurais dire être le mien. Précisions : je vis avec la matière. Et face à la matière, et dans la matière : je cherche un mouvement qui signera ce rapport juste à l’origine bouleversée par chaque instant du présent : dans nos corps, et dans les rapports qu’ils entretiennent : entre eux. Je cherche un trou dans la terre. Je cherche un trou dans les corps. Un passage. Une voix. Je cherche : un espace entre les corps et sur la terre : où vivre ensemble. Je cherche un mot pour dire ce trou et cet espace. Ce mot n’existe pas. Je cherche une phrase. Pour dire ce et. Une phrase ne suffira pas.
Le livre trois revient sur la grande métaphore. La caverne. Le trou dans la terre. La cave première. Première cavité. Grotte sans nom. Sans ombre. Avec ou sans ombre. Notes du rédacteur : je veux parler du jamais assez. Je veux répondre à ce qui ne suffit pas. Je vais y répondre : par la matière commune. Je trace : des sillons : dans la matière commune. Seule possibilité d’écriture. Dans la matière commune. Je dis que l’enregistrement qui parviendra à présenter, sans reproduire, saura dire ce qu’il en est de ce sillon dont je poursuis incessamment la réalisation, sans répétition, sans redite, sans retour, sans contour peut-être même, et pour finir, c’est-à-dire pour commencer enfin : sans livre.
Livre quatre. Extrait : je veux bien descendre dans la matière, mais avec le visage levé vers le ciel. Je veux bien aller au plus profond, tout en-dessous, tout en bas. Je veux bien aller voir là-bas, tout en-dessous. Savoir si c’est plus clair, tout en-dessous, savoir si c’est plus clair : avec le visage tourné vers le ciel.
Livre cinq. Extrait : lorsque j’écris, je participe au récit de l’interprétation des ombres. Je ne suis pas une ombre. Lorsque j’écris. Je participe au récit de l’interprétation de ce que je ne suis pas. J’aspire à faire la lumière au présent sur ce qu’il en est d’une certaine défaite de la division régnant en maître sur nos vies. Les ombres représentent. Les ombres divisent. J’aspire par l’interprétation à défaire la représentation et la division. Vouloir : n’est qu’une première étape en marche vers la dissolution du vouloir : accès à l’être.
Livre six. Notes du rédacteur : le vide est le lieu où j’écris. J’écris là où il n’y a rien. Ce n’est pas tout. Le vide est le lieu où je vis. Je vis là où il n’y a rien. Ce n’est pas tout. Je suis là. Là où il n’y a rien je suis là. Ce n’est pas tout. L’espace dans lequel nous vivons ensemble – si jamais nous vivons un ensemble -, cet espace ouvre nos corps à un temps : qui n’est pas tout.
Livre sept. Derniers mots : oublier la suite est le seul secret vivant.
Les sept premières heures du jour 71 s’étant écoulées à rédiger les sept livres, le rédacteur décide d’aller au dehors. Maintenant.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Bleu le ciel vers la terre et la mer plutôt claire.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Pas d’une vilaine vallée, de couleuvre à avaler.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
La pluie si fraîche, la fraise si rouge,
Des chevaux sauvages galopant sur la plage.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Pas de rempart à la cité, pas de case où nous ranger.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Là-haut des oiseaux hauts-perchés,
Et à mes pieds de petites fourmis pas toutes si acharnées.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Des potagers, des pédalos, des cachalots.
Vers l’horizon, sur la banquise, les ours bi-polaires.
Non, pas de solvant déversé dans les eaux, de nitrate à avaler
Ni de sacs plastique dans le ventre des baleines échouées.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Des marmottes, des hyènes à foison, des bisons.
Et vivant, au plus profond des abysses, des résidents sans nom.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Peuplé de loup, de chèvre, de chou.
Un paysage organique sans écran plasma, ni multimédia.
Nos sens pour toute forme de connexion.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Avec des scorpions, des mygales, des varans, et dans une sombre grotte grise
En suspens, une chauve-souris toute mauve.
Sans prédateur humain, sans messie ni prophète, sans aller plus loin,
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Rythmé par les saisons, les moissons.
Un sentier ou butinent les abeilles, des ruches, du miel.
J’ai rêvé d’un paysage disponible,
Où l’on pourrait s’oublier un peu, bouquiner qui veut, s’envoler, farniente.
Qu’en pense l’aigle, la buse, leur cousin butor planant plus bas ?
Ne serait-ce pas plus chouette qu’un parc d’attraction ?
Un paysage disponible.
Prends à gauche, tourne à droite. Et là, tu passes sous un pont.
Toujours tout droit puis un deuxième. Tu restes dans cet axe puis tu te gares sur le bas-côté, à l’orée du bois. Tu entres par le sentier, tu marches sur le chemin un long moment, tu bifurques.
Tu sautes par-dessus la barrière, traverse la route et une autre barrière à franchir. Là, tu t’engouffres dans la forêt, au fond.
Enlève tes affaires, nu, contemple un moment. Ramasses du bois, les branches mortes, et réunis-les.
Tu te construis une cabane, perchée entre deux arbres aux branchages suffisamment souples mais pas cassantes. Prends comme point d’appui, une branche en forme de fourche venant réceptionner les fondations; supportant ton poids et celui de tes cloisons ; supportant le volume de ton habitacle, le toit sur tes fondations, et résistant aux prises du vent. Tu t’installeras là, en attendant.
Je regarderai l’horizon en contre-bas d’une colline.
Vers cette ligne sensiblement courbe, j’y jetterai mes propres affaires.
Là, il ne se passera rien, rien qu’un long moment. Je ramasserai à nouveau mes vêtements et les jetterai encore, me rapprochant petit à petit de la ligne d’horizon, au plus près.
J’aimerai les voir s’y engouffrer dans cette ligne. Et encore, je m’élancerai.
Á l’instant, je contemple comme toi, nu.
Récolte les pierres une à une, place- les en rond, sous ta belle cabane.
Autour de cette circonférence, prépare-toi à m’accueillir, je t’y retrouverai.
On se rejoindra avant que le soleil ne réchauffe la terre.
D’ailleurs, n’est-ce pas déjà commencé ?