Soirée Ce qui secret à Nantes le 24 mai 2012, au Pannonica, à l'invitation de la Maison de la poésie de Nantes et du Pannonica. Avec Heddy Boubaker, Bruno Fern, Geneviève Foccroulle, Pauline Gélédan, Marta Jonville, Marc Perrin, Gwenaëlle Rébillard, Jean-Marc Savic. Documents.
Avec un croquis, un entretien de Véronique Anger avec Jean-Jacques Kupiec publié par Agora Vox, des images, des phrases...
Ci-dessous, un entretien de Véronique Anger avec Jean-Jacques Kupiec, à l'occasion de la parution de « L’origine des individus» de ce dernier. Entretien publié le vendredi 19 décembre 2008 sur Agora Vox. Véronique Anger : En ouverture de votre livre, vous rendez hommage à M. Jean Tavlitzki, votre ancien professeur de génétique. Est-ce lui qui vous a inspiré « L’origine des individus» ? Jean-Jacques Kupiec : D’une certaine manière, oui. Lorsque j’étais étudiant, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur qui m’a inspiré au sens le plus profond du mot et qui m’a aidé à me construire intellectuellement. Cette histoire est assez paradoxale car elle s’est déroulée dans la période de l’après Mai 68 alors que nous contestions violemment le pouvoir, notamment le pouvoir professoral. Sans m’en rendre compte, je me suis retrouvé pris dans une relation maître-élève très forte qui m’a beaucoup influencé. J’avais envie de le raconter et j’ai saisi l’occasion de le faire dans la préface de « L’origine des individus ». Je voulais rendre hommage à mon professeur, mais cette histoire pourrait aussi avoir un sens dans la période actuelle. On parle beaucoup de réforme de l’université, mais rarement de la relation professeur étudiant. Il me semble que cette relation est centrale dans le fonctionnement de l’université et que toute réforme devrait le prendre en compte. VA : Si j’ai bien suivi votre démonstration, en plus d’être injuste, le déterminisme génétique serait « faux » scientifiquement ? JJK : En effet, le déterminisme génétique est infirmé par les données expérimentales de la biologie moléculaire, ce qui nécessite un remaniement théorique. Selon la théorie classique, les gènes permettent la fabrication de protéines hautement spécifiques. Cela signifie qu’elles « s’emboîtent » comme les pièces d’un puzzle pour construire l’organisme sans qu’il y ait le moindre hasard dans ce processus. Comme vous le savez de très nombreuses protéines ont été isolées depuis cinquante ans. Mais, lorsqu’on analyse leurs propriétés, on se rend compte que ces protéines ne sont pas spécifiques. Au contraire, elles sont capables d’interagir (de « s’emboîter ») avec de très nombreuses molécules partenaires. Pour reprendre l’analogie du puzzle, c’est comme si une pièce, au lieu d’avoir un partenaire unique avec laquelle elle s’emboîte, était capable de s’emboîter avec de très nombreuses autres pièces. Dans ce cas, il ne serait plus possible de reconstituer la figure de ce puzzle. Il en est de même avec les protéines d’une cellule. Du fait de leur non spécificité on ne comprend pas comment elles peuvent s’organiser pour créer une structure viable. Cela pose un problème énorme qu’il faut résoudre. VA : Vous remettez également en question les principes d’auto-organisation. Affirmer que les éléments d’un système ne relèverait pas d’un processus spontané va à l’encontre des idées généralement admises… JJK : Effectivement, du fait des limitations de la biologie moléculaire classique, les théories de l’auto-organisation ont été proposées par de nombreux chercheurs comme une alternative. Dans mon livre, j’ai donc procédé à une analyse pour savoir si elles permettent de résoudre la difficulté posée par la non-spécificité des protéines. Ma réponse est négative. Ces théories reposent, soit sur des protéines spécifiques, soit impliquent des contraintes qui ne sont pas explicitement assumées. Il s’agit d’un point important. L’idée d’auto-organisation et l’idée d’émergence, qui est sa cousine germaine, suggèrent que les éléments d’un système s’organisent spontanément. Or, lorsqu’on analyse les exemples donnés par des auteurs comme Prigogine ou Kaufmann, on s’aperçoit qu’il y a toujours une contrainte externe globale qui s’applique sur ces systèmes et assure leur organisation. En d’autres termes, leur organisation n’est pas un processus spontané interne, il est causé par l’environnement. VA : Quelle alternative proposez-vous ? JJK : La solution que je propose consiste en une sorte de darwinisme généralisé, une extension de la sélection naturelle à l’intérieur des organismes. D’une part, la non spécificité des protéines a pour résultat d’introduire du hasard dans leurs interactions. Ce hasard est utile aux cellules car il permet de créer des structures nouvelles et de s’adapter au micro environnement, au milieu intérieur des organismes. D’autre part, ce hasard est aussi contrôlé par la contrainte sélective de l’environnement, qui trie et sélectionne « les bonnes interactions », celles qui sont utiles à l’organisme. En quelque sorte, la sélection naturelle de Darwin est projetée dans le milieu intérieur de Claude Bernard. Il s’agit là d’un résumé quelque peu brutal et caricatural de ma théorie, mais il en représente le principe général qu’il faut décliner dans toutes les situations expérimentales réelles. VA : Pourquoi, dans votre livre, avez-vous jugé nécessaire de revenir sur la « théorie du milieu intérieur » de Claude Bernard ? JJK : Effectivement, j’ai aussi consacré des développements pour expliquer en quoi consiste la théorie du milieu intérieur de Claude Bernard. On la réduit souvent à l’idée d’homéostasie, mais là encore c’est une caricature qui en dénature le sens premier. Pour Claude Bernard, le milieu intérieur est l’ensemble des conditions internes qui agissent sur les parties d’un être vivant et qui provoquent en retour leurs réactions. Cela conduit à une vision décentralisée, « anti finaliste » du vivant, qui est en contradiction avec la théorie du programme génétique. Ici je ne peux que renvoyer à la lecture de mon livre (ou de Claude Bernard lui-même) dans lequel j’ai consacré des passages assez longs à ce problème qui nécessite une analyse détaillée. VA : Sur quelles expériences vous fondez-vous pour affirmer que l’expression des gènes est un phénomène aléatoire ? JJK : A l’heure actuelle il existe une base expérimentale solide à l’appui de cette théorie. L’expression aléatoire des gènes est maintenant un phénomène démontré. Cela s’oppose à la théorie du programme génétique qui est déterministe par définition. Par contre, c’est la base même de ma théorie darwinienne. Dans mon livre je décris longuement toutes les données expérimentales qui la soutiennent. Evidemment, comme toute théorie, elle doit générer un nouveau programme de recherche expérimental pour aller plus loin. C’est exactement ce que nous faisons avec des collègues de plusieurs laboratoires qui collaborent étroitement dans ce sens. Dans quelques temps, nous pourrons en reparler mais je suis très optimiste. Il y a seulement dix ans, l’idée que l’expression des gènes puisse être un phénomène aléatoire était considérée comme trop originale par la majorité des biologistes (c’est un euphémisme !). Plutôt que de continuer à toujours répéter les mêmes schémas déterministes, il serait peut-être temps de se demander qu’elles en sont les conséquences sur le fonctionnement de la cellule… |
assez courante quand la société a connu des changements économiques importants autonomie créatrice de formes nouvelles de relations humaines ne résulte pas d'un trouble statistique |