Rédaction des sept livres pendant les sept premières heures du jour.
Le livre un commence par une série de questions. Comment enregistrer la matière. Comment enregistrer le temps de la matière. Comment enregistrer le temps de la vie de la matière. Comment dire un espace. Comment dire l’espace de départ. Comment dire l’espace d’origine. Comment former une voie par laquelle une séparation entre départ et origine libère chaque corps qui à chaque instant ouvre un horizon.
Le livre deux s’attache à développer un certain désaccord avec la grande métaphore. Notes du rédacteur : je ne suis pas d’accord avec la grande métaphore. Bien conscient que tout désaccord ne suffira jamais : pour : signifier. Ne suffira jamais : tant qu’une affirmation ne viendra pas à la suite : du désaccord. Je peux le dire autrement. Je veux le dire autrement. Je veux dire que je crois à un certain langage qui nous serait commun [un temps soit peu], et par lequel nous accéderions [seuls, ensemble] à ce que recouvre ce verbe qui marque une limite que j’aspire à franchir : le verbe accepter. Accepter, pour commencer, que ce langage est à tous, et à personne.
Je crois en un langage - commun - que je saurais dire être le mien. Précisions : je vis avec la matière. Et face à la matière, et dans la matière : je cherche un mouvement qui signera ce rapport juste à l’origine bouleversée par chaque instant du présent : dans nos corps, et dans les rapports qu’ils entretiennent : entre eux. Je cherche un trou dans la terre. Je cherche un trou dans les corps. Un passage. Une voix. Je cherche : un espace entre les corps et sur la terre : où vivre ensemble. Je cherche un mot pour dire ce trou et cet espace. Ce mot n’existe pas. Je cherche une phrase. Pour dire ce et. Une phrase ne suffira pas.
Le livre trois revient sur la grande métaphore. La caverne. Le trou dans la terre. La cave première. Première cavité. Grotte sans nom. Sans ombre. Avec ou sans ombre. Notes du rédacteur : je veux parler du jamais assez. Je veux répondre à ce qui ne suffit pas. Je vais y répondre : par la matière commune. Je trace : des sillons : dans la matière commune. Seule possibilité d’écriture. Dans la matière commune. Je dis que l’enregistrement qui parviendra à présenter, sans reproduire, saura dire ce qu’il en est de ce sillon dont je poursuis incessamment la réalisation, sans répétition, sans redite, sans retour, sans contour peut-être même, et pour finir, c’est-à-dire pour commencer enfin : sans livre.
Livre quatre. Extrait : je veux bien descendre dans la matière, mais avec le visage levé vers le ciel. Je veux bien aller au plus profond, tout en-dessous, tout en bas. Je veux bien aller voir là-bas, tout en-dessous. Savoir si c’est plus clair, tout en-dessous, savoir si c’est plus clair : avec le visage tourné vers le ciel.
Livre cinq. Extrait : lorsque j’écris, je participe au récit de l’interprétation des ombres. Je ne suis pas une ombre. Lorsque j’écris. Je participe au récit de l’interprétation de ce que je ne suis pas. J’aspire à faire la lumière au présent sur ce qu’il en est d’une certaine défaite de la division régnant en maître sur nos vies. Les ombres représentent. Les ombres divisent. J’aspire par l’interprétation à défaire la représentation et la division. Vouloir : n’est qu’une première étape en marche vers la dissolution du vouloir : accès à l’être.
Livre six. Notes du rédacteur : le vide est le lieu où j’écris. J’écris là où il n’y a rien. Ce n’est pas tout. Le vide est le lieu où je vis. Je vis là où il n’y a rien. Ce n’est pas tout. Je suis là. Là où il n’y a rien je suis là. Ce n’est pas tout. L’espace dans lequel nous vivons ensemble – si jamais nous vivons un ensemble -, cet espace ouvre nos corps à un temps : qui n’est pas tout.
Livre sept. Derniers mots : oublier la suite est le seul secret vivant.
Les sept premières heures du jour 71 s’étant écoulées à rédiger les sept livres, le rédacteur décide d’aller au dehors. Maintenant.