Tholomé Vincent

 

1.

 

bon


alors


je sors un sachem de ma poche
je l'exhibe
-> c'est un petit sachem sans tête 
-> c'est une petite figurine en plastique
-> ce n'est pas un homme


nullement on ne saurait le confondre avec un homme
-> il faudrait être stupide pour confondre une figurine en plastique avec un homme


avant


avant ma poche


petit sachem végétait dans la maison
-> dans le salon
-> petite figurine sans tête en plastique avec une cordelière blanche et bleu
-> dans le salon
-> petite cordelière l'enserrant un peu comme pour
-> l'emballer comme pour
-> faire de sachem un sachet 


bon


alors


petit sachet de sachem peut se balancer un peu au bout de sa cordelière
-> petit sachet de sachem ne peut pas se hisser seul au sommet de la cordelière
-> si je porte petit sachem à mon nez
-> il ne sent ni l'homme ni la prairie
-> ni le crin de cheval
-> ni le cheval


ce qui sent le cheval et le crin de cheval ce sont les hommes et
les hommes dans le salon sentent la prairie
-> le crin de cheval
les hommes dans le salon ne sont pas des sachems
-> les hommes dans le salon sont des hommes
-> les hommes dans le salon sentent l'homme et la prairie
-> et un peu le crin
-> et un peu le grand cheval


le salon dans le salon lui sent aussi oui l'homme la prairie le crin et le cheval
-> le salon dans le salon ne sent pas le sachem
-> le vent dans le salon le vent ne rafraîchit pas sachem
-> le vent dans le salon ne rafraîchit pas ses aisselles
-> le vent dans le salon ne souffle pas pour sachem


rien


d'ailleurs


dans le salon


ne souffle pour sachem


je répète :


rien

d'ail
leurs

dans
le
sa
lon

ne

souff
le

pour

sa
chem


SA-CHEM


petit sachem


petit sachem sans tête dans le petit salon
petit sachem de plastique
-> ses aisselles sont parfaitement douces et épilées
-> ses aisselles sentent le savon et la lessive
-> dans le salon les aisselles des hommes de salon sentent
-> le crin de cheval et
-> la prairie
-> les aisselles des hommes dans le salon les aisselles des hommes de salon sont hirsutes et rugueuses
-> sont les aisselles des hommes dans le salon ce qu'elles sont


et


la tête de petit sachem n'est pas dans le salon
la tête de petit sachem traîne ailleurs
la tête de petit sachem est dans un tonnelet de poudre à lessiver
la tête de petit sachem est dans la chambre
-> dans un petit tonnelet dans chambre (et : chambre est dans maison et : maison est dans ville et : ville est dans le brouillard ville est brouillée et : la tête de sachem végète dans un petit tonnelet
-> dans un petit tonnelet la tête de sachem parle à d'autres figurines
-> la tête de sachem
-> dans un tonnelet
-> avec d'autres figurines
-> en plastique comme sachem et la tête de sachem et
-> plastique ne parle pas aux hommes
-> plastique ne parle pas dans le salon
-> plastique ne parle pas
-> plastique brouille les pistes et
-> brouillard ne parle pas
-> brouillard brouille la tête et les hommes dans le salon
-> brouiilard dilue les hommes et les hommes dilués ne vont pas dans les chambres
-> ne vont pas dans tonnelet
-> tonnelet de poudre blanche
-> tonnelet de lessive
-> tonnelet dans chambre
-> tonnelet dans chambre qui sent la lessive et
-> le bon savon des prairies


nom de nom


et


toutes les figurines dans le tonnelet sentent bon la lessive
-> toutes les figurines dans le tonnelet ne sentent pas la prairie et le crin de cheval
-> toutes les figurines sont en plastique
-> tous les hommes dans le salon sont en viande
-> tous les hommes sont en viande
-> tous les hommes marchent à la queue-leu-leu
-> tous les hommes de salon et tous les hommes de ville
-> tous marchent à la queue-leu-leu dans lebrouillard et toutes les figurines avec ou sans tête marchent dans le noir
-> sachem marche dans le noir dans le salon
-> dans le brouillard des têtes
-> dans le brouillard des hommes


-> nom de nom

 

 

 

2.

 

dans le brouillard : des hommes


ils végètent dans le salon
ils sentent la prairie le crin et le grand cheval
ils sont tout en viande prairie crin et grand cheval


nom de nom

 

il faudra pourtant
il faudra bien pourtant
il faudra bien pourtant souffler
il faudra bien pourtant souffler un peu
il faudra bien pourtant souffler un peu un jour pour :


sachem

 

petit sachem
petit sachem perdu
petit sachem perdu et solitaire
petit sachem perdu et solitaire suspendu
petit sachem perdu et solitaire suspendu par un fil dans :


le salon le grand salon la grande prairie du salon la grande prairie le salon

 

où rien ne souffle pour sachem on dirait non ?

 

 

je répète :

 

 

rien
ne

s
ouff
le

pour

sa
chem

on

di
rait

non ?

 

 

 

3.

 

bon


à l'ouvrage alors :

ceci est l'invention d'un souffle
&
ceci est une invention tâtonnante
&
ceci invente un souffle tâtonnant
&
ceci sort en souffle de ma bouche
&
ceci invente un souffle tâtonnant pour sachem


ceci tâtonne et court à la surface du globe
-> dans les ruelles suintantes
-> dans les salons
-> entre les jambes et les bottines
-> entre les chevelures et le crin des aisselles
ceci évite les écueils
&
ceci apporte un souffle à sachem
-> sachem est dans le salon
-> sachem est
-> un rien
-> immobile dans salon
ceci va dans le rien immobile du salon

il faut le dire :


ce n'est pas donné à tout le monde de le faire
ce n'est pas donné aux chats de le faire
ce n'est pas donné aux chemises de le faire
-> pas donné aux chemises puant le crin et le grand cheval
-> pas donné aux chemises puantes des aisselles et :
-> puant de la viande

-> nom de nom

-> il faut le dire :

ceci est une poulie élevant haut le rien immobile du salon
ceci est une poulie élevant haut sachem dans le salon


CAR : il faut le dire :

sachem et sa tête de sachem dans le salon ou
-> dans un tonnelet de poudre
ils ne bougent pas
ils sont des figurines en plastique
ils ne sont pas en viande
ils ne sentent pas des aisselles
ils ne sentent ni la prairie ni le crin de grand cheval
ils ne font pas leur cirque ou leur cinéma
ils ne sont pas intrépides
ils ne se lancent pas tout seuls à l'assaut des montagnes


nom de nom

il faut le dire


mais bouger n'est pas donné à tout le monde de le faire
mais être n'est pas donné à tout le monde de le faire
mais sentir n'est pas donné à tout le monde de le faire
mais faire son cirque ou son cinéma pas donné pas donné et
-> se lancer tout seul à l'assaut des montagnes : pas donné
-> pas donné

et quoiqu'ils disent quoiqu'ils en pensent :


aucun homme puant le crin et grand cheval ne bouge
aucun homme dans le salon
aucun homme dans le salon ne bouge dans un tonnelet de poudre
aucun homme
aucun salon ne bouge de lui-même
aucun tonnelet de poudre ne bouge de lui-même
aucun tonnelet de poudre n'est intrépide des aisselles
aucun tonnelet de poudre ne fait son cirque et son cinéma
aucun

nom de nom il faut le dire :


aucun homme ne se lance seul et sans raison à l'assaut des montagnes gonflé à bloc quoiqu'il en dise quoiqu'il en pense

 

 

 

4.

 

sachem -> comment le faire -> comment transformer une figurine en sachem -> on choisit à petite main le plus laid de la bande -> celui qui ne compte pas -> celui qui n'a pas de nom -> n'a pas d'histoire -> celui qui ne sait pas se défendre -> on laisse en paix les autres figurines -> on laisse la paix dans un tonnelet de poudre -> on coupe à petite main ou à petit couteau la tête du sans nom sans histoire -> on laisse la tête dans la paix éternelle -> dans le noir -> dans le tonnelet de poudre -> on laisse converser la tête si elle veut avec autres figurines -> avec grands chevaux ou prairie par exemple

 

OUI JE SAIS -> rien ne circule dans l'air dans le tonnelet de poudre -> rien ne circule dans la stupide paix éternelle -> rien ne se dit  -> MAIS la nuit éclate peut-être d'un rire qu'on n'entend pas MAIS laissons ça laissons l'affaire en suspens -> revenons à lui -> à louis -> le sachem louis -> DONC on suspend l'affaire maintenant inachevée -> on l'enroule dans une cordelette blanche et bleue -> il reçoit un nom -> louis c'est louis -> un sachem sans tête -> c'est le roi des indiens -> et on laisse maintenant l'affaire dans le salon -> inachevée maintenant l'affaire -> qu'il nous ressemble ALORS -> qu'il est humain si humain ALORS

 

qu'il nous ressemble beaucoup alors -> nous petits êtres petits gaillards -> balancés comme des chiens dans le monde -> clébards sans flair -> sans instinct de survie -> nous glapissons comme des fous à tue-tête -> nous sentons la prairie et le crin de cheval -> nos aisselles rugueuses dégagent à trois kilomètres cinq à la ronde -> nous sommes des animaux de viande perdus dans le désert du monde -> quelle chance nous avons sachem maintenant -> une petite figurine suspendue dans salon -> nous le prenons dans nos mains et nous le réchauffons -> lui et nous pareils tout pareils -> inachevés -> quelle affaire nom de nom ce sachem

 

 

 

5.

 

SACHEM = celui qui voit dans le noir = celui qui voit dans la nuit = celui qui titube = celui qui regarde les choses droit dans les yeux = celui qui croît = celui qui croasse = celui qui se croit solaire = celui que rien ne distrait = celui qu'un rien distrait = celui qui trait les nuages = celui qu'on lie dans le salon = celui sur qui on crache = celui qui est notre portrait tout craché = la sentinelle = l'averti = le klaxon cosmique = l'amusé = l'amusant = celui qui hoche de la tête = celui qui lit sans chandelle = celui qui flirte avec le clapotis des eaux = le précieux = le précis = l'imprécis et le flou = le filou qui nous pique nos sous = l'infiltré = l'espion qui épie = l'épieu = l'obscur et lumineux = SACHEM


SACHEM = celui qui parle aux pierres = celui qui mange les insectes = l'araignée patiente = l'arriéré patent = celui qui attend l'abeille = celui qui irrite = celui qui fait monter la bile = le libidineux de la basse-cour = le grand sot courant le monde = l'hébété = l'étêté = le petit poulet sans tête cherchant le plumage soyeux de maman = celui qui épie dans les fissures des murs = l'inachevé = celui qui ne finit jamais rien = celui qui laisse toujours de la sauce dans sa assiette = celui qui vit sans étiquette = celui qui ne sait pas ce qu'il est = celui qui croît dans le doute = celui qui dit : sale temps pour les légumes, sale temps pour le gibier, sale temps pour les obscurs et pour les lumineux, les paroles sortent des bouches et partent faire un tour, on les voudrait dures et immobiles comme des canettes de bière ou des bouteilles de coca-cola, elles se diluent plutôt dans le brouillard, elles passent entre les jambes des hommes, elles pourraient pourtant elles pourraient si aisément si aisément raviver les braises et les contours = celui qui décore sa chevelure = celui qui déboussole = celui qui se tient debout suspendu à un fil dans les airs = l'épeire diadème = celui pour qui je souffle = SACHEM


je te choisis, toi, et je te mets dans ma poche et je t'emporte, toi, partout où je vais à la surface du globe

 

Vincent Tholomé - Namur - 18 Décembre 2012
 

[bientôt ici mise en ligne des archives de la résidence 2010]

 

La  seconde résidence Ce qui secret s'est déroulé du 10 au 18 décembre 2010, à la Fabrique Dervallières, à Nantes.

Une soirée publique de fin de résidence a eu lieu à la maison de quartier des Dervallières le 18 décembre 2010

Ont particpé à cette résidence : Guillaume du Boisbaudry, Elsa Decaudin, eLV://osund, eDS collectif, Geneviève Foccroulle, Pauline Gélédan, Sandrine Julien, Frédéric Laé, Soizic Lebrat, Catherine Lenoble, Patrice Luchet, Mariette Navarro, Marc Perrin, Gwenaëlle Rébillard, Patrick Rimond, Matthieu Saladin, Jean-Marc Savic, Gaël Sesboüé, Patrice Soletti, Vincent Tholomé.

Sont ici données à entendre, à lire ou à voir, certaines traces de ce qui s'est passé pendant cette semaine.

IMAGE.

Dans l'idiome - Vincent Tholomé
 [un écho ici]

 

 

mode d'emploi à l'usage de ceux qui DANS L'IDIOME (1) viennent 

 

 

 

 

1. Prendre un objet verbal ou parlant existant

 

 

http://www.cequisecret.net/oui097

 

 

 

 

2. En garder le vif

 

 

lumière soudain branlante
pourtant si bien dressés les uns contre les autres
assemblage
ignorant quand cela commença
avions appris à faire danser nos dépouilles
sur un autre versant du temps
nous n'avions qu'à bégayer bégayer sans cesse pour parler de  notre temps
noyés engloutis dans l'idiome
au hasard n'obéissant à aucune loi aucun ordre
franchissions des portes allant de seuil en seuil
inlassablement sur la piste de ce que nous supposons être  habiter le présent
nous remplissons notre légère existence les objets que nous  touchons
nous adressons aux morts des saluts amicaux
d'un geste tendre nous les enveloppons de paroles  réconfortantes
nous tombons dans la poussière la boue les flocons légers  copeaux fragments nous tombons
nous sommes cibles prenant d'autres pour cibles
nous cherchons asile pour nos exils intérieurs
la nuit déploie son pas
la verdure nous l'aimons exubérante et grasse les animaux  couleur de mousse
comment sera l'amour à la fin des nuits
la mort nous fauche-t-elle dans l'indifférence ou bien en nous  parlant doucement avec autant d'amour qu'elle peut  expliquant ce qu'elle fait
se dérobe-t-elle la terre sous nos pieds faute de l'avoir aimée
nos corps sont devenus syntaxe
ne sommes-nous pas éleveurs de poussière gardiens d'une  parole fidèle contagieuse et qui prolifère
couvés par le soleil nous nous sommes réfugiés dans la tanière  du sommeil
traquer revolver au poing les fossoyeurs du sens
où sont-ils ceux qui n'ont pas été ensevelis ceux qui n'ont pas  été dénombrés les enfants non-nés que nous avons  aimés
nous laisseront-ils nous reposer dans nos blessures ressentir  un tourment semblable à de la joie
il nous faut tout inventer jusqu'aux atomes
ajouter des pays des mers

 

 

 

 

3. L'épicer à sa façon

 


Trois nuits successives dans la steppe

 

 

1.

ami. amie. regarde. il nous faut tout inventer. jusqu'aux atomes. ajouter des pays aux mers. nous envelopper tous les soirs de paroles réconfortantes. briser nos coquilles. faire danser nos débris. nos dépouilles. chercher ainsi des asiles. déployer nos pas. élever devant nous des nuages de poussières. ami. amie. vois comment nos paroles sont contagieuses. et comment elles engendrent. s'engendrant l'une l'autre. fauchant à la longue les plus dures résistances. car il nous faut nous vaincre nous-mêmes. ami. amie. vois. nous sommes notre pire ennemi. nous nous parlons doucement. n'obéissons à aucune loi. aucun ordre. écoute comme tout nous vient dans l'exubérance. la bonne humeur. nos enfants sont ici sans nombre. vois comment nous nous multiplions. comment nos corps deviennent syntaxe. ami. amie. vois comme tout ceci est admirable. comme la terre et la misère se dérobent sous nos pieds. nous vivons dans l'éternelle verdure. petites cibles faciles pourtant. qui nous écoute est un flocon léger. ami. ne l'oublie pas. nous nous réfugions dans les tanières du verbe. les forges du souffle. amie. écoute leur travail. toi aussi tu peux être une herbe proliférante. sache-le. ami. amie. nous sommes des carcasses bégayantes. nous dressant les uns contre les autres. nous ébranlons les lumières. les certitudes. nous parlons de notre temps. nos paroles sont fidèles. nous nous noyons. l'ami. ouvrons des portes. laissons naître nos exils intérieurs. l'amie. faisons basculer les choses. les êtres et les choses. sur un autre versant du temps. nous suivons une piste étroite. nous sommes sans fatigue. nous ignorons quand et comment cela commença. des dépouilles dansent devant nous. nous apprécions les bêtes couleur de mousse et les pelouses rases. nous laissons choir en petits copeaux. la pluie ne nous atteint pas. nous sommes formidables. indomptables. ingérables. nos tourments sont peut-être les tiens. ami. amie. nous te touchons d'un geste amical. nous ajoutons des pierres aux pierres. nous agissons. quelque part. entre le sommeil et les rêves.

 

 

2.

ami. amie. écoute bien ceci. nous parlons. ouvrons simplement la bouche. laissons choir. déverser. droit devant. dans le noir. de multiples lignes. associant au hasard les choses. les affaires. la syntaxe. déversant nos petites grappes. folles et compactes. fous et compacts flocons de neige légers. poussières. pollens. bois avec nous cette soupe. lape-la du bout des lèvres. c'est pour toi que nous plions nos carcasses. nos sacs d'os. prenons des poses insensées. nous cassant le dos accroupis sous les lavabos. les petits coins sanitaires. usant de nos mains ouvrières pour dévisser. démonter l'assemblage complexe des tubes et des coudes. des tuyauteries de plastique et de plomb. c'est pour toi que nous collons nos bouches. nos oreilles. au bord des gouffres. dans le noir d'un réseau de plomberie. se perdant déversant dans les murs. les carapaces de bois. ami. amie. écoute. nous voulons que tu saches. retiennes. toutes ces choses. propos insensés. demi-vérités. inventées à mesure. susurrées à mesure que nous parlons. déversons dans le noir des tubes. en secret. toutes ces choses. rapportant l'un à l'autre nos méfaits. rappelant nos actions. nos sales coups de sauvages. nos sales coups de sales types. cherchons dans le fond à fuir le noir. le sombre présent. l'oppression du temps. déversant. nous autres. d'une cellule à l'autre. nos affaires. cavalcades rocambolesques. impossibles chevauchées. dans la steppe. les prairies planes et rases de Sibérie. nos lignes sont des lumières. ami. amie. nous ne faisons que les suivre. ces routes. ces chaussées défoncées. elles se plient. se replient. à mesure. comme nous déployons tout notre art du dire dans l'espace. droit devant. balançant dans les airs nos guirlandes clignotantes.

 

 

3.

ami. amie. nos paroles sortent en trombe des bondes. se mêlent joyeusement pour toi l'une à l'autre. se tiennent. pour ainsi dire. par la main. improvisant devant nous. devant toi et nous. une ronde. un petit pas de danse. ami. amie. conviens-en. il y a pire. nous prenons peu de place. nous sommes maintenant des coquilles. nous sommes presque vides. revenant près de toi nuit après nuit. mêlant sans cesse nos lignes. nos souvenirs. inventés à mesure. arrangés. tout cela tient en un nuage. une fumée discrètement parfumée. en quoi cela te dérangerait-il de nous entendre. permets-nous. ici. de susurrer. reprendre à l'infini ces choses. ces parfaits champs de graminées. ces cavalcades de moutons blancs. les soubresauts rieurs des saumons frais et gais dans les rivières. ami. amie. conviens-en. nous ne sommes que des restes. les ombres de nous-mêmes. nous cascadons devant toi dans le vide. nous buvons du petit lait. nous contentons d'un fromage. nous tenant mutuellement le soir en haleine. suçant l'un l'autre nos carcasses. nous échafaudons des vies splendides. les déversant pour toi. droit devant. ami. amie. conviens-en. nous occupons peu d'espace. nous prenons peu de temps. nos petits rus sont gais et rafraîchissants. nous traquons pour toi les meilleures histoires. parcourant à rebours la steppe. nous roulant à nouveau dans la poussière. évitant les pièges des ennemis. les trappes s'ouvrant. brusquement. dans les sols gelés. les toundras de Sibérie. nos inventions tiennent la route. nous laissons courir des rumeurs. une infinité de choses arrive. prend naissance pour toi. Devant toi. dans nos mots. nos syntaxes fluides. dissociant le meilleur du pire. ami. amie. conviens-en. tu ressors d'ici ragaillardi. sifflotant joyeusement un air. tu te mêles à nos lignes. tètes à nos seins. graisses avec nous nos bottines. nos pétoires mortelles. traquant avec nous. toute la nuit. revolver au poing. les fossoyeurs du sens.

 

 

 

_

 

 

 

mode d'emploi pour ceux qui DANS L'IDIOME (2) viennent

 

 

 

 

1. Prendre un objet verbal ou parlant existant

 

 

http://www.cequisecret.net/oui097

 

 

 

 

2. En extraire l'essence

 

 

nous enveloppons de paroles réconfortantes

nous tombons dans la poussière la boue flocons légers copeaux fragments nous tombons

nous sommes cibles prenant d'autres pour cibles

nous cherchons asile pour nos exils intérieurs

déploie son pas

lumière soudain tremblante

pourtant si bien dressés les uns contre les autres

assemblage

ignorant quand cela commença

avions appris à faire danser nos dépouilles

sur un autre versant du temps

nous n'avions qu'à bégayer bégayer sans cesse pour parler de notre temps

noyés engloutis dans l'idiome

au hasard n'obéissant à aucune loi aucun ordre

franchissant des portes allant de seuil en seuil

inlassablement sur la piste de ce que nous supposons être habiter le temps

nous remplissons de notre légère existence les objets que nous touchons

nous adressons aux morts des saluts amicaux d'un geste tendre

la verdure nous l'aimons exubérante et grasse les animaux couleur de mousse

la mort nous fauche-t-elle dans l'indifférence ou bien en nous parlant doucement avec autant d'amour qu'elle peut expliquant ce qu'elle fait

nos corps sont devenus syntaxes

ne sommes-nous pas éleveurs de poussière gardiens d'une parole fidèle contagieuse et qui prolifère

couvés par le soleil nous nous sommes réfugiés dans la tanière du sommeil

traquer revolver au poing les fossoyeurs du sens

où sont-ils ceux qui n'ont pas été ensevelis ceux qui n'ont pas été dénombrés les enfants non-nés que nous avons aimés

nous laisseront-ils nous reposer dans nos blessures ressentir un tourment semblable à de la joie

il nous faut tout inventer jusqu'aux atomes

ajouter des pays aux mers

 

 

 

 

3. Briser les coquilles

 

 

 

 

 

 

 

4. Rassembler les morceaux

 

 

 

 

 

 

 

5. Tirer une carte

 

 

échos fantomatiques

 

fantômes échotiques

 

 

 

 

 

6. Développer naturellement la chose

 

 

pluie

 

 

et pluie tombant
en trombe
de pluie tombant
battante depuis des heures
la trombe de
pluie trempant
les sols
déjà trempés pourtant
déjà tremblants
la
tremblante pluie
tombant en
trombe
sur les
sols
déjà trempant
les sols déjà
mouillés
trempés tremblante
pluie tombant
comme un baume
en trombe
comme sortie en trombe d'un tube
tombant
alors
toute allure
trempant les sols
déjà lourds déjà
pluie
tombant drue
soudain pesante
et
pesant lourd
sur les
sols
soudain
détrempés
tombant en trombe
s'effritant
comme sortis
d'un tube
un baume
soudain
trempant les sols
et les êtres
maintenant lourds
déjà
mouillés
trempés
s'effritant sur les
sols
comme ils courent
frissonnant
sur les sols
lourds
détrempés
comme sortis de tubes
et tombant
dur et
drûment
sur les sols
comme ils courraient
ces êtres trempés
détrempés par
la pluie
présente
occupant le terrain
tout l'espace
pluie soudain battante
et tombant dur et
drûment
trempant les êtres
les bêtes grouillantes
courant en trombe
ras-du-sol
les êtres et les sols
trempés déjà
mouillés
les airs
comme un baume
lourd et s'effritant
il tomberait
drûment depuis
des heures
mouillant nos
dos de bêtes
et d'êtres
tremblants et
tombant lourd
ras-du-sol
déjà trempant
nos pieds
nos orteils
déjà mouillés
et pesant lourd
pluie
en battements d'aile
gorgeant les
êtres sourds
les insectes grouillant
tremblant sortis
fissa des failles
des sols
et des fissures
des murs
flocons fragiles
sortis en trombe
des tubes de terre
noyés déjà
submergés par
toutes ces eaux fragiles
et grouillantes et
tombant lourdes
dans les airs
comme des anges
depuis des
heures
pluie
et pluie
battante
battant des ailes
en trombe
et tombant drue
il n'y en aurait plus que pour elle
tombant
drûment
dans nos impasses
et nos exils intérieurs
pluie battant
comme si
les airs
s'effritaient
nous trempant
détrempant
provisoirement
nous autres
déjà mouillés
nous maintenant
dans l'éphémère
la nécessaire proximité
des bêtes
nous réduisant
provisoirement
à la lourdeur
des bêtes
ras-du-sol
des insectes sourds
à eux-mêmes
à tout ce qui se passerait
à l'intérieur
pluie
soudain
occupant le terrain
provisoirement
battant des ailes
comme
un ange
gorgeant les êtres
et les sols
trempant déjà
nos orteils
et nous pressant
à l'abandon
coincés nous autres
dans les impasses
et les exils intérieurs
tombant en trombe
sur nos dos
sortis fissa
provisoirement et
martelant les sols
les terres fragiles
et comme
noyés dans nos sacoches
nos sacs de peaux
soudain percés
et prenant l'eau

 

 

 

 

Vincent Tholomé - Namur - 10 Septembre 2010
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