Portier Cécile
 

 

 

 

 

Cécile Portier - Paris - 30 Décembre 2012
Où est mon sang - Cécile Portier
 [un écho ici, et ici]

Où est mon sang?
Il dort je crois.
Mon sang dort à l'intérieur de moi.
Il est très peu remué.
À peine, de temps en temps, une bulle, blop, éclate, mais c'est tout.
Mon sang est un magma très calme.

>> Ça pulse,

Mon sang est l'énigme à peine circulante qui me laisse en vie mais les pieds froids.
Mon sang se fige de tout
Il s’oublie. Fait sous lui.
Mon sang est évanoui, coulé au fond.

>> Ça stagne -

Ou alors, il se perd?
Mon sang ne voit rien.
Il avance, il tâtonne.
Où doit-il aller? Ici? Là aussi? N'est-ce pas un piège ici?
Mon sang est rétractile quand il a peur - se croit en terrain ennemi avant même d'être versé.
Il est vrai que mon sang est méfiant.
Il rase mes murs.
Timide.
Il s'efface...
Mon sang est une encre très sympathique.
Sa révélation est fugace.

>> Ça pulse,

Mon sang s’éclaire de peu. C’est luciole affolée dans la nuit noire, vermisseau paresseux coulissant (voyez comme il progresse dans ma pomme en y faisant des ravages).
Ou alors :
Mon sang avance dans le faisceau de son propre rythme. Il est éclaireur, précurseur, résolument moderne et protagoniste.

Comment savoir ? Je ne sens pas mon sang.
Qu’importe : mon sang ne ment pas. Ou alors si peu.

>> Ça pulse,

Mon sang est bouillonnant, brouillonnant, il bat mes tempes en un clapotis agaçant.
Mon sang me bat froid. Par lui, j'hématome en de jolies fleurs bleues qui fanent très vite.

>> Ça pulse,

Mon sang est un battement bavard et violent.
Ou alors :
Mon sang est un abattement.

Comment savoir ? Je ne sens pas mon sang.

>> Ça pulse,

Mon sang contient son lot d'albumine et d'atavismes, il charrie au dehors mes toxines et mes idées noires, mineur de fond de mon très sombre intérieur.
Mon sang porte comme faix son taux de lucide et d’extase.
Mon sang est anémique, amnésique : ne retient pas le fer qui fit les combats.

>> Ça pulse,

Mon sang est divisible en quart, en huitième, en seizième de finale, mais la plupart du temps ne dépasse pas les éliminatoires.
Mon sang s'épuise, s'abâtardit dans vos définitions.

>> Ça pulse,

Mon sang est bleu comme les viandes refroidies, comme les ailes des mouches à merde, comme l'azur sans dieu. Mon sang n’est pas très regardant.

Mon sang est blanc, du même blanc que les lys, du même blanc que la haine. Mon sang est blanc, c'est une lymphe seulement. Mon sang est celui des puissants.

Mon sang est rouge, vous n’en doutez pas. Mon sang est celui des amants. Il ne faut pas contrarier mon sang.

>> Ça pulse,

Mon sang est fait de vieilles idées qui tournent au vinaigre. Il est l'acide avec lequel j'écris sur la stèle de la nation, parce que je lui rends bien.
Mon sang coagule en drapeau grimaçant.

>> Ça pulse,

Mon sang rit d'être impur et proliférant. Mon sang vous contamine.
Qu’importe : mon sang ne se vend pas. Ou alors si peu.

>> Ça pulse,

Mon sang s'agglutine.
Mon sang hurle, il a mal d'être si nombreux, si serré là dedans.
Mon sang est une émeute.
Mon sang bascule, tourne, c'est le grand manège, le vertige du monde, c’est ce qui se répand.

 

Cécile Portier - Paris - 10 Avril 2012
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