Rêver sous la Vème — Chapitres 2 et 3 - Gilles Amalvi & Florent Lahache



 
INTERLUDE
(RÊVER SOUS LA Ve
#2 REPLAY)


une seule et même réalité
qui se rapporte au désir
en le portant à l'absolu

quelque chose se détache
sujet nomade et vagabond
il n'y a pas manque
un rouage docile se graisse

un rouage docile se graisse
ou au contraire
une machine infernale se prépare
dans l'écroulement général de [...]

 

 

2. Sous la Société de contrôle, LA PLAGE

 

 

Le startupisme est-il un humanisme ? – Minitel, HTML et suffrage proportionnel – Jacques Chirac, cyberpunk du futur – Les neurozinzins contre la république – Un appel Skype de Spock au roi Ludd – les machines de machines sauveront-elles les machines ? – Tous les bureaucrates s'appellent Wolfgang – Vidéo de Père Noël furax dans la rue – Ontologie du like et métaphysique des mèmes – Les surveillants automatisés rêvent-ils de boutons androïdes ? – Colloque sentimental des peuples en détresse – Re-bienvenue dans la re-république

 

 

L’INSTITUT DES QUESTIONS MAL POSÉES nous écrit :
Ne pensez vous pas que la surveillance électronique est finalement une affaire inoffensive – elle s’est tellement généralisée – une banale activité administrative – des traitements de données pour machines sans yeux ni voix – assurées de se perdre dans le dédale des milliers de milliards d'informations ?

 

 

bruit ininterrompu
de la vie générique
une fantastique répression
et pourquoi dans quel but
et pourquoi dans quel but

 

 

L’INSTITUT DES RÉPONSES DANS LA BRUME acquiesce :
Vous avez bien raison. Si Big Brother is vraiment watching tout le monde, alors Big Brother doit sérieusement galérer. Si tout le monde est surveillé, personne n’est surveillé. Les trajets de mon Passe Navigo, de ma carte Velib’, les retraits de ma carte bleue, mon passeport biométrique multiplié par 3 millions ou 4 milliards d’individus, quel intérêt ? Pour qui et pour quoi faire ? Ils n’en savent rien eux-mêmes. Derrière ce complot, c’est moins Docteur Mabuse qu’une armée de profs de maths – fascination collective pour les statistiques – spectacle hypnotique de l’accumulation sans fin – des niagaras de données sans valeur – perdues dans des algorithmes au fin fond du désert.

 

 

(puis tout va recommencer)
en se détraquant sans cesse
d'où découle une indifférence
comment ça marche ensemble
et pourquoi dans quel but

 

 

L’INSTITUT BARTELBY DES FLOTTEMENTS SUBJECTIFS complète :
Les Big data n’enregistrent pas exactement mes envies, bien plutôt mes hésitations, incertitudes, impuissances, égarements et amertumes. L’ensemble de mes foirages subjectifs transformés en données numériques compulsées et recompulsées indéfiniment.

 

 

choses qui feront battre ton cœur
totalité des grincements de dents
accélérations cardiaques clignements
d’yeux de l’humanité compulsée
par un processeur aphasique

 

 

L’INSTITUT DES QUESTIONS DANS LA QUESTION tient à objecter :
Peut-être que les sociétés de contrôle sont fondées sur du soft-control. Admettons. Mais est-ce que soft, c’est mieux ? Est-ce que c’est pas encore pire : non seulement « ils » nous surveillent, mais « ils » ne savent pas pourquoi ?

 

 

elle y puise ses matériaux
lui restitue ses déchets
éclatante et noire vérité
volupté angoisse douleur
et pourquoi dans quel but

 

 

L'INSTITUT DES SOUPÇONS PAS CHERS rétorque :
L'immanence est un leurre. L'accès au réseau une illusion. Nous ne sommes pas dupes. Derrière chaque paramètre se cache une volonté de pouvoir. Derrière chaque algorithme une déité miniature. Le porno est un GPS pulsionnel. Chaque clic est le fruit d'un plan mûrement concerté : publicité, buzz, info recommandée, carte vitale. « Ils » savent très bien pourquoi « ils » veulent contrôler nos existences. Mais nous savons briser un flux.

 

 

esprit contrôlé par
machine électrique
forme aliénée de l'action
suivant que l'argent brûle
ou flamboie

 

 

L’INSTITUT DES COUPS À TROIS BANDES apporte quelques précisions :
Arrête ton baratin. Certes, nous sommes tous désormais perçus par « l’œil du pouvoir ». Mais il s'agit d'être précis. Le pouvoir n'est pas un nom, un « ils ». C'est une interdépendance, un réseau basse-fréquence. La production communique avec la loi qui communique avec la science qui communique avec la finance qui communique avec le langage qui communique avec les machines qui communiquent avec l’histoire. Regarde. Un paysage se forme, et tu es dans le tableau. Un petit morceau de réalité normée. L'idéologie parle. Elle s'incarne aussi. Soft-contrôle, biologie cellulaire, utopie réformatrice, classes moyennes, air du temps. Tu vois ?

 

 

réalité substantielle
irréductible et non-close
productions de production :
système global du désir

 

 

L'INSTITUT DES RÉPONSES QUE LES FRANÇAIS ATTENDENT rappelle :
Innovation totale. Entreprendre, encore. Libérer les énergies. Détruire (l'administration), dit-il. Fluidifier les échanges. Synergie constructive. Coaguler les certitudes. Aimer sa boîte. Oh Yeah. Partage des expériences. Bravo. Sevrage économique brutal. Un impératif de réussite. Flexibiliser le continuum. Chanter le lacrymal pur. Côtoyer la réussite (au quotidien). Dans le crâne des gens. Conter fleurette. À l'unisson. Surface d'échange = surface de profits (gagner). Le profit est prélevé sur du profit.

 

 

pur fluide à l'état libre
état d'intensité pure état
stationnaire sans identité
fixe toujours décentré
occupé par la machine

 

 

L'INSTITUT ACADÉMIQUE DES QUESTIONS POSÉES AU PETIT BONHEUR LA CHANCE synthétise :
épitaphe carambar /\ si les chats avaient des ongles /\ manuel valls tout nu dans autoplus /\ achat ampoules d'occasion /\ mafia camion-poubelles Colmar /\ vidéo mec bourré insultes en verlan /\ comment inoculer la grippe à son chat /\ sodomie ananas contreverse Zemour /\ benzéma mosquée qui jongle avec une grenade en vrai /\ lunettes qui font rire un nain /\ père noèl en colère dans la rue /\ jp pernaut gif tire-bouchon cassé /\ plan à 3 clocharde dans la neige /\ trouver tringles à rideau sans CB /\ sudoku illuminati flippant /\ comment fumer des poils de chien drogue /\ éjaculation précoce caniche USA /\ complot burkini sarko juppé /\ françois hollande sataniste gay /\ défi téléthon dans lycée cato /\ épluche-légume plastique arnaque /\ vidéo fail niagara mort vrai /\ pierre Bellemare Kebab /\ calamar japonais en PLS /\ mélenchon sueur JT /\ comment devenir célèbre gratuitement

 

 

L'institut des réponses mal foutues, l'institut des erreurs déplorablement formulées, l'institut national des statistiques à géométrie variable, l'institut de régulation du statut de la vérité morose, l'observatoire général de l'épuisement et du désespoir collectif, l'observatoire spécialisé de la tendresse et du ressentiment, l'institut du monde extra-terrestre et de l'architecture transformiste, l'institut géodésique des coupeurs de cheveux en quatre ajoutent, en chœur :

 

 

C'EST BIEN LES GARS

CONTINUEZ

ON EST TOUS

DE TOUT CŒUR

AVEC VOUS

ON VOUS SOUTIENT

À FOND

 

 

 

 

2b. Sous la Société de contrôle, LA SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE

 

 

Le stade poussif du capitalisme – Le stade Shampoing de la normalité – Le stade low-cost de la pensée critique – Le stade discount de la politique budgétaire – Le stade milieu de gamme de l’Europe – Le stade Gorafi de la réalité – Le stade Hanouna de l'aliénation – Le stade Bolloré de l'inconscient tardif – Le stade carambar de la géopolitique – Le stade Zika de la santé mondiale – Le stade Internet de l'idée de progrès

 

 

MATOS POUR MON COURS DE MERCREDI :
a) Sur la bouteille de shampoing, le descriptif scientifico-publicitaire m’informe que « même les cheveux normaux »  sont sujet à la fatigue, au dessèchement, à la perte de vitalité, en somme à la pathologie. Très bonne façon d’appréhender la société de contrôle : même l’absence de trouble appelle le soin, même la santé appelle la guérison, même la normalité est pathologique – même quand il n’y a pas de problèmes, et justement parce qu’il n’y en a pas, il y a du souci à se faire.

 

 

=> ennui postmoderne : le grand vide produit par cette injonction contradictoire d’avoir à s’occuper intensément d’une chose sans intérêt.

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (1) :
À l’école, je corrige une copie qui dit en substance :
la présence des gadgets dans le monde atteste de la réalité du progrès.
Le gadget comme preuve ontologique de la modernité
(penser à en parler à Gilles.)

 

 

=> ennui postmoderne : le grand produit par cette injonction d’avoir à s’occuper d’une chose.

 

 

(Liste des choses qui feront battre ton cœur)
[ L i s t e   d e s   c h o s e s   q u i   f e r o n t   b a t t r e   t o n   c œ u r ]
{  L i s t   e   d e  s    c h o s e s   q u i   f e r o n    t   b a t  t r e   t o n   c œ u   r  }
\   L i  s t   e     d e s   c h o s e s   q u i     f    e r o n t     b a t  t  r e      t     o n   c œ u r   /

 

 

=> ennui postmoderne : le grand Produit vidé par cette contradiction impérative d’avoir à chosifier intensément une occupation sans intérêt.

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (2)
Paradigme a) Le Net est la conséquence d'un surplus d'ingénieurs
C'est un simple problème sociologique au fond : il y a trop d'ingénieurs.
Leur pouvoir : produire un monde qui n'intéresse qu'eux
C'est l'hypothèse dite du "stade poussif de la marchandise" : le moment où la marchandise n'est pas pleine de promesse, mais pleine de promesse de galères techniques (si on fait un sondage mondial, quelle proportion de gens seraient prêts à dire : ok on ne touche plus à rien, ça va, je galère déjà assez avec mon Windows là, merci...). De telles complications sont certes surmontées par les sauts de génération, elles fonctionnent cependant comme un défi adressé à l’espèce humaine : c’est désormais à elle de s’adapter aux objets industriels, et non plus l’inverse. Depuis la Silicon Valley, des ingénieurs adressent à l’humanité un nouveau message : tu consommeras à la sueur de ton front.

 

 

=> ennui postmoderne : la grande injonction sans intérêt d’avoir à contredire intensément une chose sans occupation

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (3)
Chapitres manquants du Livre 1 du Capital
1) En-deçà du fétichisme (le stade discount de la marchandise: il n'y a même pas illusion)
2) Le fétichisme-geek (où progrès et complication sont devenus une seule et même chose)
3) Le fétichisme de l'intimité (le rabattement de la technologie sur la vie privée)

 

 

=> ennui postmoderne : le grand Produit Vide produit par cette injonction impérative d’avoir à contredire intensément une chose sans intérêt qui nous occupe intensément

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (4)
L'idée techno-futuriste des Trente Glorieuses était alignée sur un rêve socialiste. Star Trek : l'ordinateur comme machine collective fraternelle. Songe : Monsieur Spock débarque dans le présent. Incrédule, il nous observe chacun devant nos personal computers, en train de triturer photos de vacances, correspondances privées, pornographie, téléréalité. Il ne comprend rien. Ça le tracasse.

 

 

Le refoulé II, le retour. Il vient dans le présent pour exterminer le futur.

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (5)
Edison vs Lumière : le cinéma des frères Lumière était collectif. Drap aux fantômes pour masses envoûtées. La première machine d'images en mouvement de Edison était un peep-show personnel (gros flop : l'époque n'était pas mûre pour l'individu). Inversion des normes / des tendances. Le collectif envoûté retourné en hypnose individuelle.

 

 

Le refoulé III, le retour. Il revient du passé du présent pour exterminer le présent du futur.

 

 

Imaginons : Après en avoir discuté avec le Capitaine Kirk, Spock revient en 2017 pour tenter de changer le présent : que fait-il ? Est-ce qu'il adhère à la Belle Alliance Populaire ? Est-ce qu'il se présente à la primaire de la gauche ? Est-ce qu'il détourne le slogan de François Hollande en faisant son célèbre signe de la main : « le changement, c'est maintenant» ? Ou est-ce qu'il décide de plonger dans l'antimatière pour désintégrer la Ve et sauver le futur ?

 

 

Le refoulé III bis, l'aller-retour. Il va et vient entre présent et futur pour exterminer le passé

 

 

Hypothèse inversée :
envoyer la Ve république dans le futur
à bord du vaisseau ENTERPRISE
et voir comment elle se démerde
(navigation interstellaire
du bon roi Chirac
gravitant sans fin
autour d'un
gigantesque
trou noir).

 

 

Le refoulé I, l'arrivée. Il arrive dans le présent pour attendre le futur. Et il se fait chier.

 

 

MATOS CORRESPONDANCE (6)
Penser à expliquer aux générations futures :
L’insignifiant = ce dont les conséquences sont sans importance.
Ou bien dont les conséquences sont importantes mais dont on se fout complètement.
[Peuple soucieux / idéologues sans limites / règne débonnaire /
de Cauchemardo]

 

 

Rien ne se passe.
Ne (se) transforme rien.
Ne (se) bouge
Rien.
Nul, null, zéro.

 

 

(Honte et statistique chapitre 2).
IDÉOLOGIE= DEFAULT STYLE.

 

 

rien ne (se)
c'est toujours
la (le) même
chant d'amour
null(ité) délicate
splendeurs et (misères)
du cap(ital) fatal-
ité historique

 

 

tkt
pls
vdm
avf

 

 

Mais
insignifiance veut dire aussi notre indifférence
Problème : comment repérer une insignifiance – ce qui n’a pas de trait repérable ? Comment remarquer le non-remarquable ? (devenir analystes méticuleux / du rien / avec ce seul objet dont le néant s'honore)

Comment décomposer la masse informe de l’ennui en petits morceaux ?

 

 

Hypothèses Ve République : Jean-Pierre
Pernaut remplace Mark Zuckerberg
à la tête de Facebook
(artisanat du like & menuiserie
des mèmes / santons connectés
#doucefrance.com)

 

 

J’embraye : Mon inconscient s’ennuie, est-ce possible ?
Est-ce qu’il peut dégénérer d’ennui ? Être relégué au statut de fait divers de mon existence ?

 

 

J’ai rêvé cette nuit que j’étais assis au milieu d’une pièce vide et que rien ne se passait pendant des heures.

 

 

Est-ce que la grève des cheminots trace quand même sa route pendant que je dors ? Les variations de mon compte en banque déterminent-elles encore le cours de mes rêves ? Que devient l’inconscient après Fukushima ? Traîne-t-il comme des effluves radioactives dans l’Océan Pacifique, sur des millions de kilomètres, rencontrant par hasard la carcasse disparue du Boeing de la Malaysia Airlines, au large de (x) ? Si l’insignifiant est la marque de l’idéologie, mon inconscient est-il en train de virer postmoderne ?

 

 

=> ennui postmoderne : Produit Vide. Jouissance fatale. Avoir à s'occuper [câliner intensément] Choses sans intérêt.

 

 

Florent, 22.2
Je suis condamné à quatre ans de prison pour un meurtre que je n’ai pas commis. A peine arrivé dans la prison, j’apprends que ma peine a été commuée en condamnation à perpétuité. On m’accorde une brève sortie afin que je puisse ramener les affaires dont j’ai besoin à perpétuité. Établir la liste des [choses qui feront battre ton cœur] affaires dont j’ai besoin à perpétuité est un casse-tête qui m’occupe longuement l’esprit, mais le temps qui m’est accordé est très court. Revenu à la prison, je prends conscience que je vais devoir vivre ici toute ma vie. Spinoza encule la joie éternelle.

 

 

Quelle est la rhétorique d’un monde à l’arrêt ?
Partout ça bloque, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu
[asphyxie saturation]
Partout ce sont des machines, tantôt bouclées sur elles-mêmes, tantôt en surchauffe générale [sans arrêt / discontinu]

 

 

une définition de l'inconscient
dans laquelle l'histoire
est un médium
du psychique
voilà c'est
son milieu

 

 

L’apocalypse sous forme d’une hésitation : nihilisme ou technologie ?
L'apocalypse sous forme d'équation : startupisme ou services publics ?

 

 

y a pas
d'un côté l'histoire
de l'autre l'inconscient
dans une époque qui s'ennuie
y a pas
plus
plus grand chose
de plus
que rien

 

 

Le Corps sans Organe technologiquement augmenté de neurocapteurs
sent à distance les Effluves de l’Être
sourires de CRS sur le Tumblr de Antonin Artaud
le CsO twitte
le moi du poète lyrique élève la voix du fond de l’abîme :
si tu as une matraque, je t’en donne une, si tu n’en as pas, je te la prends.

 

 

[Une intervention inopinée du Dr Michel Foucouchima / journée d'étude « Deleuze et la Silicon Valley : qu’est-ce qu’une machine ? »]

Dr Foucouchima : Gilles Deleuze et Steve Jobs sont dans un bateau. Felix Guattari tombe à l'eau, qui reste ?

(silence dans la salle)

Chers amis. Considérons l'axiome n°1 : si l'on sait véritablement tout, que sait-on en réalité de plus ?

Réponse n°1 : pas grand chose
Réponse n°2 : un peu plus
Réponse n°3 : juste ce qu'il faut
Réponse n°4 : ce n'est pas à nous qu'il faut poser la question

Google veut tout savoir
Goldman sachs veut tout savoir
Facebook veut tout savoir
la NSA veut tout savoir

ok les gars, c’est bien

Mais est-ce le même tout qu'ils visent ?
Et est-ce qu'ils le visent pour les mêmes raisons ?
Et est-ce qu'ils le visent de la même manière ?

Contrôler le réel, une passion contemporaine, certes – mais quoi d'autre ?
J'attends vos contributions

 

 

François Hollande
seul,
dans une capsule spatiale
dérive entre Mars et Jupiter

de son smartphone
il twitte
« avis aux inventeurs en herbe :
comment fait-on pour
faire caca dans l'espace
en combinaison spatiale.
J'attends vos conseils. »

 

 

[insert : Wolfgang Schäuble / Paintball / Abstraction lyrique]
[insert : Edward Snowden / Pacman / Art conceptuel]
[insert : Vladimir Poutine / Play-Station / Suprématisme]
[insert : Fidel Castro / Karaoke / conférence-performance]
[insert : Kim Jung Un / Feux d'artifice / Contact improvisation]

 

 

Le retour du refoulé II le retour. Il voudrait juste. Retrouver. Le présent. Un petit bout d'inconscient. Intact. A contaminer.

 

 

voix venue du ciel
Nous voilà entrés dans une période de transition
qui durera Mille Ans
Les formes de la modernité éclatent en mille morceaux sans
se recomposer ailleurs distinctement

 

 

Gilles, 20.2.

Je suis en haut de la tour Eiffel, une scène genre Batman (la dernière scène de Batman, en haut de la tour de Gotham city, où Batman poursuit LE JOKER) et je poursuis un avatar du Joker : c'est Jean-Marie Le Pen, il va faire un discours, et s'adresser au peuple français. Et moi, pour le contrer, en fait, eh bien, comment dire... je lui lis ma poésie, je lui hurle Une fable humaine dans les oreilles - on se bastonne, il est costaud, et je continue avec les mots... Je me réveille, cauchemar total, Jean-Marie Le Pen a été élu avec 80 pour cent des voix (comme quoi, politiquement, ma poésie n'est pas très efficace...)

 

 

nous faisons d'autres rêves
nous faisons des tonnes de rêves

c'est une production folle
sans aucun débouché

des containers remplis de rêves
qui coulent qui flottent

[livraison gratuite 15-24 jours]

des hommes des femmes
fuyant la guerre des
marchandises dérisoires
= nulle part où les écouler

[équation flux / circulation / rétention]

des tonnes de rêves
inachevés
nous travaillent
[20:02 23/07/2014]

rêve de rêve infantilisé =
rêve de rêve enfin réalisé

nous fabriquons des rêves
ininterrompus
fait de bribes d'autres rêves
interrompus

nos rêves sont plein
de connexions qui sautent

nos connexions mentales
sont pleines de rêves
qui sautent

pleins de rêves
de gens qui sautent

men jumping
out of a window
has become the universal
homemade nightmare

 

 

 

 

3. L’écume de la démocratie bourgeoise

 

Le « style capitaliste » – L’esthétisation de la morale – Résurgence de la question fasciste – Augsbourg 1933, Rome 1967, Hénin-Beaumont 2013 – Si tout ça a déjà été pensé, pourquoi est-ce que ça revient ? – L’amnésie comme condition du retour – Si tout ça a déjà été pensé, pourquoi est-ce qu’on arrive pas à le penser ? – Résurgence de la question kitsch – Ça ça et ça – Désordre et lignes aériennes – Survivre au hasard global – Remise à flot des épaves – Débris classe moyenne – Si tout ça a déjà été pensé, pourquoi est-ce qu’on arrive pas à le faire ?

 

Chapitre en attente. D'un résultat électoral soulèvement général. D'une question dans la question. D'une liste. De choses. 2017, chance aux chansons. Que reste-t-il. De nos amours.

 

NOUS RENDRE AU RIEN PRÉ-(MÉDITATION)

 

Soit une image (avant la métaphore). Juste une image. Une image un peu juste. Le sarcophage de Tchernobyl. Durée de vie : 50 ans. Durée des radiations : 100 000 ans (minimum). J’élèverai un édifice plus durable que l'airain.

Soit une information qui, conjuguée à l'image, devrait produire – quoi ? Une métaphore ? Une allégorie ? Un mythe ? Le mythe de Tchernobyl et ses vaches à deux têtes. Mythe réalisé. Pipriat, forêt de légende : entre les châteaux de béton sommeille une princesse. Répétition du mythe, retour du refoulé, enfoui à 400 mètres de profondeur. Le mythe de Fukushima, la cité d'Ys, le mythe de Three Miles Island, l'envol de Super Phoenix. Je renaîtrai de tes cendres radioactives. Inconscient-bouillie pour liquidateur irradié. Je voyais ses os apparaître à travers la peau rongée.


Quelque chose se produit : des effets de machine, et non des métaphores [voix automatisée]


Où est la métaphore ? Elle s'est barrée. Plus d'images, depuis longtemps à travers l’absence même d’image, quelque chose ne tient plus dans le monde

Ne cherchez pas un bunker ultra-sécurisé, il n'y a rien à voir. C'est sous vos pieds que ça se passe


Ce n'était pas une métaphore en fait, ça ne l'a jamais été. Cette connerie de cœur atomique en train de fondre c'était juste le bord du langage, la bonde, le trou par où fuit la possibilité même de dire quoi que ce soit.


C'est au détour d'une innocente forêt de bouleaux, au bord de la mer Baltique [voix de JT]

Un peu de grand air, une relation avec le dehors [voix de Jean-Pierre Pernaut]

il est dans les montagnes, sous la neige [voix du premier enregistrement]

Être une machine chlorophyllique, ou de photosynthèse [voix de Gilles Deleuze]


Tu prends ce qu'il te reste de métaphore, une sorte de mécanisme cassé, dont pendouillent des ressorts et des rouages le détraquement fait partie du fonctionnement même. Tu peux toujours tenter d'incorporer un mythe, d'ajouter une structure narrative,

vas-y, essaie

Le sphinx. Les pyramides. 4500 ans. J'élèverai un bâtiment plus durable que l'airain.
Capitalisme & schizophrénie. 200 000 ans. La loi d'airain du calcul égoïste. Es gibt kein warum. 2000 siècles.

Mythe = métaphore + récit ?
Récit + image = allégorie ?
Plutonium + Mer = éternité ?

Tu choisis de baptiser Onkalo ("cavité", en finnois) ton petit bout de métaphore restant.
Tu l'envoies à ton ami pour savoir ce qu'il en pense.

 

 

 

 

4. Rêver, disparaître, allers-retours

 

Formulaire de désabonnement à la Ve République – Le tombeau de Dark Vador, troll d'extrême droite – Pendant ce temps, en Grèce – Les fonctionnaires de l'au-delà – 4Chan, assemblée constituante – L'empereur du cool : le stade Barack Obama de la bienveillance – Œdipe à Lidl – Décrire une catastrophe nucléaire à son arrière-grand-père et à ses arrières petits enfants simultanément (poste restante) – Il n’y a qu’un seul FMI et Terminator est son prophète.

 

L'INSTITUT DES EFFETS PERSONNELS

L'INSTITUT DES AMALGAMES FOIREUX

L'INSTITUT DES RÉPONSES AUTOMATISÉES

L'INSTITUT DU COEFFICIENT D'ERREUR MAXIMALE

L'INSTITUT DES ALGORITHMES QUI PENSENT DE TRAVIOLE

L'INSTITUT DE LA PANIQUE GÉNÉRALE ET DE LA CONSTERNATION

 

… se réunissent tous à la pleine lune dans la salle des fêtes de l'ONU le 28 janvier 2018. Et décident à l'unanimité de leur dissolution perpétuelle. Dans la joie et la bonne humeur, autour d'un bon buffet, ils fondent l'institut destitué de toute fonction institutionnelle.

Leur seule mission : valider la réalité telle qu'elle est. Leur credo :

 

C'EST BIEN LES GARS

ON VOUS SOUTIENT

À FOND

 

[le professeur Foucouchima disparaît / dans un nuage de fumée
sur l'écran / un power-point scintillant / des inscriptions / et des images floues]

 

la nature comme nature
démonstration vivante
aux machines de l'univers :
fragments dans des fragmentations

un être bien mystérieux
réseau de synthèses nouvelles
une surface d'enregistrement
divine l'énergie qui le parcourt

tout s'arrête un moment
s'élève un conflit apparent
nous rendre au rien
nous rendre au rien

 

En guise d'introduction, il y a celle-ci : devons-nous nous remettre à produire des métaphores – quitte à délocaliser leur production en Chine, au Bengladesh, au Pakistan ?

En guise d'introduction, il y a celle-ci : devons-nous brancher nos métaphores irradiées sur des mythes en voie de décomposition avancée ?

[Métaphore du marché] >Jérôme Kerviel< Icare ou Saint Paul ? {rôle proposé à : Jean Dujardin}

[Métaphore technologique] >Steve Jobs< Prométhée ou Epiméthée ? {rôle proposé à : John Malkovitch}

[Métaphore providentielle] >Barack Obama< Zeus, Arès, Mickey Mouse ou Eddy Murphy ? {rôle proposé à : Wesley Snipes, Sydney Poitiers ou John Malkovitch}

[Métaphore monétaire] >Angela Merkel< Athéna ou Reine des Walkyries ? {rôle proposé à : Brad Pitt, Angelina Jolie, les deux alternativement, Meryl Streep ou John Malkovitch}

En guise de préambule, il y a celui-ci : y a-t-il encore de l'inconscient, et si oui : lequel – écrasé sous quels débris de machines, enfoui au fond de quels souterrains, parlant de quels désirs, remuant quelles constructions politiques ?

En guise de conclusion il y a celle ci : Œdipe est mort, enfoui, enterré C'est au détour d'une innocente forêt de bouleaux Peu importe de savoir si il s'est suicidé, si on l'a poussé du haut d'un immeuble Je me tenais sur le rivage et je parlais avec le ressac si il était présent dans les tour du World Trade Center le 11 septembre 2001 au bord de la mer Baltique si il est présent dans les rangs de l’État islamique, si il dirige le FMI ou si il fait partie des milliers de fonctionnaires grecs licenciés sous la pression de la Troïka Ich Spiele keine Role mehr Peu importe de savoir si il est encore en Grèce, mendiant dans les rues, si c'est l'amant secret de Michelle Obama, si il sillonne le monde à bord d'un jet privé Mon drame n'a plus lieu Peu importe de savoir si il était le PDG de Total ou l'employé de l'aéroport ayant oublié son chasse-neige sur la piste.


Métaphores vacantes, mythes de tout et de rien. Oubli panoramique et flux immatériel Comment remarque-t-on le non-remarquable ?


Non, en guise de conclusion, il y a cette question : on en fait quoi maintenant, de ce vieux machin ? On le range dans quel tiroir, on le fait travailler dans quel service, il trie quel courrier, quelle Antigone s'occupe de lui, panse ses plaies, quel Tiresias se fout de sa gueule ? Est-ce que la science peut lui fabriquer des yeux nouveaux, et si oui – des yeux tristes ou joyeux ? Lui reste-t-il des souvenirs après l'opération Je sais que tu as un trou de trop Est-ce que sa mémoire est un nom de domaine acheté à l'ICANN, .oedipe ou .mythos ? Ses souvenirs compressés dans le hastag #IfuckMyMother #andIFuckYouToo ? Est-ce qu'il trafique des kalachnikovs et de la cocaïne sur le dark-net ? #rememberme

Et d'ailleurs : est-ce qu'internet possède un inconscient [production d'enregistrements] ou est-ce qu'internet est notre inconscient – un inconscient au sein duquel Œdipe n'est plus qu'un clown ridicule Ich war Hamlet une image mille fois détournée, détourée, coloriée ? Un pauvre mec qui s'est crevé les yeux comme Siriu dans les Chevaliers du Zodiaque

Oracle [ATTENTION SPOILER !] Le fils tuera son père et BIIIP sa mère

Est-ce que le mythe d'Œdipe est une série de photos ? Est-ce que le mythe d'Œdipe est dans la photo volée de François Hollande sur son scooter, celle des fesses de Kim Karadashian Break the internet dans la photo de l'otage américain avant qu'il ne soit décapité, dans la photo du réacteur éventré de Fukushima les enregistrements sont immédiatement consommés Est-ce qu'il reste quelque chose du mythe d'Orphée, d'Œdipe, d'Hercule, de Cassandre, d'Électre, d'Ulysse et de tous leurs potes, dans la photo secrète d'un convoi de déchets nucléaires traversant l'Europe pour une destination inconnue, où ils seront enfouis pendant plusieurs dizaine ou centaine de milliers d'année – selon la solidité des infrastructures chargées d'empêcher leur dilapidation dans l'atmosphère et/ou l'écorce terrestre ?

consumés, et les consommations directement reproduites

Est-ce qu'il reste quelque chose du mythe d'Orphée, d'Œdipe, d'Hercule, de Cassandre, d'Électre, d'Ulysse et de tous leurs potes dans le chiffre de la dette grecque ? Est-ce qu'on assiste à l'Aristie de la BCE ? [coller la tête de Mario Draghi sur le corps de Leonidas]

Un trou de trop

Hey, Œdipe, en vrai, Onkalo, c'est le nom du lieu où on t'a enfermé, non ?

Europa remix

Ou c'est ton nom à toi ?

Cavité ?

Cavité ?

 

L'INSTITUT DES CONSEILS ELLIPTIQUES nous écrit :
« Camarades,
il s’agira moins de convaincre que de déconcerter. Tenez bon.
Cordialement  »

 

 

« CONCLUONS»

 

 

Un homme émerge d’une bouche d’égout. Essoufflé, il a couru à travers les souterrains de la ville. Elle forme derrière lui un champ de ruines fantomatiques. Son récit commence par des anecdotes, expériences vécues ou rapportées, descriptions d’images, de slogans publicitaires, des titres de films, des refrains de chansons, des noms de ministres et de célébrités, tous oubliés. Personne ne saurait dire l’importance à attribuer à ces éléments ni comment les hiérarchiser pour déchiffrer correctement son discours.

 

 

[Rêver sous la Ve République existe aussi en scénario code html]

 

 

 

 

En écho à Anti-Œdipe, pages 7 à 59 - Gilles Amalvi & Florent Lahache - 12 Mars 2018
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