dans la maison et dans la maison (moins grande) et dans la maison (encore moins grande)
et bien il y a des pièces, ce qui est en soit banal à dire mais pas tant aujourd’hui car parfois
on a habité, on a dû habiter, on a décidé d’habiter, par le passé, pas vraiment une maison
parce que ça faisait qu’une seule pièce et on était déjà trois
ce qui faisait dix mètres carrés chacun
il parle de son 18m3 qu’il partage avec George, c’est son colocataire
c’est son prénom, il est congolais, il me raconte qu’il a sincèrement choisi ce prénom
avant de venir, c’est un prénom qu’il emprunte à la culture française pour s’intégrer
il vit avec George, il m’a raconté tout ça, un récit, il le dit
ils ont une chambre chacun inclus dans les 18m3 de l’appartement
à un moment
parlant de ce 18m3, divisé pour deux, c’est-à-dire qu’il avait, lui une toute petite chambre
mais pour lui tout seul, et on lui a fait comprendre qu’il devait se considérer
chanceux parce que les loyers sont très chers dans cette ville, on peut le vérifier
facilement sur internet, sur les petites annonces, en discutant avec qui
que ce soit, il doit être chanceux d’avoir (mathématiquement) neuf mètres carrés
rien que pour lui, rien que pour y respirer : c’est déjà bien
à un moment il développe en très peu de mots l’idée selon laquelle
c’est dans cet espace là qu’on nous demande d’inventer quelque chose pour plus tard
quand il dit ça on peut penser que 9m3, et bien, c’est déjà suffisant pour respirer, même
sans fenêtre, que 9m3, bon, cela paraît petit, mais une génération qui se fait et se construit
individuellement dans 9m3 sera combative et essayera de s’en sortir comme ça, même si
on peut se demander légitimement quelle genre d’idées peuvent naitre dans 9m3
je crois que les idées ont une taille mais ont aussi une visée, un mode opératoire
et que penser, verbe penser, dans un espace aussi réduit qu’environ dix mètres carrés
empêche d’avoir des idées qui, pour tomber dans la métaphore ou pire la personnification
veulent prendre l’air
penser dans 8, 9 ou 10 m3 relevant alors d’un exercice académique normal
normé, son but n’est pas d’accéder à de grands espaces mais simplement
d’accepter l’idée selon laquelle notre monde est construit de telle sorte
de telle sorte c’est construit avec le découragement insupportable que contient
la locution habituelle « que veux-tu ? c’est comme ça »
et que malgré le constat simple selon lequel 9m3 pour un seul individu est invivable
et bien même si c’est invivable, c’est vivable malgré tout puisqu’il existe des individus
et souvent plusieurs et en personne qui vivent dans 9m3, seul ou non, c’est vivable et
à force cela devient même tolérable : c’est un constat banal
c’est dans ce genre d’espaces-là, jamais beaucoup plus, qu’entre dix-sept ans (peu de sérieux)
et trente ans (limite arbitraire du « plus sérieux ») on doit inventer des choses pour plus tard
c’est pour ça que j’ai dit ce que je dis aussi bêtement, parce que un espace aussi petit ça rend
au bout d’un moment, à mon avis, Illich écrit ça dans la troisième partie de la Convivialité
il écrit « à mon avis », et pour lui c’est comme ça, c’est pour ça et rien d’autre que j’ai dit
ce que je dis aussi bêtement parce qu’un espace aussi petit ça rend au bout d’un moment, on
ne définit pas précisément ce moment, à mon avis ça rend bête
et du même coup les idées peu dangereuses